Le grand voyage
avec les perches, elle lui fit une suggestion.
— Pourquoi ne pas attacher Rapide à Whinney ?
proposa-t-elle. Elle a l’habitude de me suivre, elle fait attention où elle
passe et elle guidera Rapide. Il la suit partout. Comme ça, tu n’auras pas à t’occuper
de lui et tu pourras te concentrer sur les perches.
Jondalar parut perplexe. Puis son visage s’éclaira.
— Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! s’exclama-t-il,
ravi.
Ils grimpaient depuis longtemps. La pente devint soudain plus
raide et la forêt changea brutalement. Les bois s’éclaircirent et on ne vit plus
de grands caducifoliés [10] .
Les sapins et les épicéas formaient la base de la nouvelle sylve. S’y mêlaient
quelques rares bois durs, plus petits que leurs cousins d’en bas.
Ils atteignirent le haut d’une crête d’où ils dominèrent un
vaste plateau qui descendait en pente douce avant de se stabiliser. En haut du
plateau, s’étendait une forêt de conifères, sapins, épicéas et pins, dont le
vert foncé était rehaussé par la présence de quelques mélèzes aux aiguilles
virant sur le jaune doré. Le paysage était illuminé par l’or des prairies
éclaboussées du bleu du ciel et du blanc des nuages qui se reflétaient dans de
petits lacs. Un rapide cours d’eau partageait l’espace, alimenté par des
torrents qui tombaient en cascades de la montagne au loin. Et au-delà, montait
jusqu’au ciel un pic couronné de blanc que les nuages masquaient en partie. C’était
un spectacle à couper le souffle.
Il paraissait si proche qu’Ayla avait l’impression de pouvoir le
toucher. Derrière elle, le soleil illuminait les couleurs et les reliefs de la
pierre ; des roches ocre saillaient de murs gris pâle ; des parois
presque blanches contrastaient avec le gris foncé d’étranges colonnes droites
et anguleuses surgies du cœur en fusion de la terre. Et au-dessus,
scintillaient les glaces bleu-vert d’un glacier auquel les neiges éternelles
donnaient un écrin nacré. Soudain, comme par magie, le soleil et les nuages de
pluie s’associèrent pour créer un arc-en-ciel qui enjamba la montagne.
Émerveillés par tant de beauté, les deux voyageurs buvaient
littéralement des yeux ce spectacle d’une sérénité grandiose. Ayla n’était pas
loin de penser que l’arc-en-ciel était un signe de bienvenue, et elle nota que
l’air était délicieusement frais et pur. Elle poussa un soupir de soulagement à
l’idée d’être débarrassée de la chaleur mortelle de la plaine, et des
moucherons infernaux. Elle aurait volontiers mis un terme à son Voyage, tant ce
haut plateau était l’endroit rêvé pour s’y installer.
Elle se tourna vers Jondalar, le visage radieux. Il fut d’abord
frappé par l’intensité de son bonheur, de son ravissement, et de son envie de
vivre dans ce lieu merveilleux. L’émotion et la joie qui illuminaient Ayla la
rendaient si belle et si désirable que Jondalar voulut la prendre sur-le-champ,
et ce désir urgent transparut dans ses yeux d’un bleu profond. Ayla sentit la
force de cet amour qui répondait au sien.
Chacun sur leur monture, ils se dévoraient du regard, fascinés
par des sentiments aussi impérieux qu’inexplicables : leur désir commun de
partager des émotions intimes ; le rayonnement de chacun offert à l’autre ;
et la force de leur amour. Inconsciemment, ils tentèrent de se rapprocher l’un
de l’autre. Les chevaux interprétèrent mal leur mouvement. Whinney, suivie de
Rapide, commença à descendre la colline, sortant les cavaliers de leur
envoûtement. Attendris, et amusés par leur méprise, Ayla et Jondalar
échangèrent un regard plein de promesses, et se laissèrent guider par les
chevaux jusqu’au pied de la colline. Là, ils tournèrent vers le nord-ouest pour
longer le plateau.
Par une fraîche matinée où les premières gelées annonçaient
le prochain changement de saison, ce qu’Ayla accueillit avec soulagement,
Jondalar reconnut les alentours du territoire des Sharamudoï. Les collines
boisées rappelaient à Ayla les forêts de son enfance, et elle s’attendait
toujours à tomber sur un paysage connu. Tout semblait familier : les
arbres, les plantes, les prés, la disposition des sols. Plus elle avançait,
plus elle se sentait chez elle.
A la vue de noisettes dans leur cupule verte, à peine mûres,
comme elle les préférait, elle ne put s’empêcher de descendre de cheval pour en
cueillir. Elle brisa quelques
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