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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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une tranche de pain rassis et un bout de fromage.
    — Désormais, dit le sergent, quand je serai entouré de gens qui me racontent ce pour quoi on est venu, tâche de ne pas m’interpeller par mon grade.
    Décontenancé, le jeune garde le suivit quand il sortit de la taverne.
     
    — Alors, qu’as-tu appris ? demanda Domingo. Et baisse la voix.
    Ils étaient assis dans une taverne mieux fréquentée. Les reliefs d’un excellent dîner s’étalaient devant eux.
    — Il m’a dit qu’ils venaient de la taverne et qu’ils voulaient lui louer son âne. Quand il a compris qu’ils se rendaient à La Bisbal, il a accepté et leur a demandé de le rendre à son propriétaire. Le plus vieux des deux s’appelait Joan. Il m’en a fait une description exacte.
    — Et l’autre, le jeune ?
    — Son nom ne lui revenait pas. C’était quelque chose comme Ramir, ou Raul, peut-être même Rafael. Il ne l’a pas vu en pleine lumière. Son atelier est de l’autre côté. En tout cas, il a remarqué qu’il avait les cheveux clairs, jaunes, peut-être, ou roux, et qu’il n’était pas très grand. Le tenancier a dû le voir mieux que ça.
    — Le tenancier, ah ! Il sait où réside son intérêt, mon garçon, et ce n’est pas de notre côté. Dès qu’il a eu compris qu’on en voulait au complice, il s’est réfugié parmi ses cruches et ses tonneaux. Il ne se rappelait même plus leurs noms !
     
    Quand les deux hommes rentrèrent au château, au crépuscule, l’atmosphère du château avait changé du tout au tout. Débarrassée de la fièvre, Son Excellence avait réussi à manger. Pour les serviteurs installés à demeure, la mort de l’évêque n’aurait affecté que ceux qui le connaissaient depuis l’enfance et qui l’auraient pleuré ; mais pour ceux qui l’avaient accompagné dans ses déplacements, leur existence tout entière en eût été bouleversée.
    Bernat avait à peine le temps d’écouter le rapport du sergent et de veiller à ce qu’il fût correctement transcrit.
    — Tout ceci devra être mis de côté jusqu’à ce que Son Excellence soit en mesure d’approuver nos actions, dit-il. Comment va Son Excellence ? lança-t-il au médecin alors que celui-ci sortait de la chambre de l’évêque.
    — Son état s’améliore, répondit Isaac, mais elle est encore faible et se fatigue très vite. Monseigneur Berenguer souhaite rentrer à Gérone, pourtant je ne puis l’autoriser à voyager.
    — Je ne ferai donc pas état de cet incident tant qu’il n’aura pas pleinement recouvré la santé.
    — En attendant, et je vous dis cela en toute humilité parce que j’en sais moins que vous, je suggérerais que mon patient fût tenu à l’écart de tous ceux en qui vous avez le plus confiance, quels qu’ils soient. Si nous avons œuvré jour et nuit pour le garder en vie, ce n’est pas pour que le poison ou l’acier l’emporte aujourd’hui.
    — Jordi veillera sur lui, dit Bernat.
    — Oui. Je ne le pense pas capable de trahir son maître.

Deuxième partie L’HIVER

VI
Dins nos mateixs medicines trobam En nous-mêmes nous trouvons des remèdes
    Les plantations et les récoltes d’automne étaient achevées ; la ville avait tenu sa foire et célébré son protecteur, Sant Narcís, béni soit son nom, qui les avait sauvés des Français lors de ce redoutable siège que leurs aïeuls et leurs bisaïeuls avaient enduré. L’hiver arrivait, avec son cortège de pluies interminables. Même lorsqu’elles s’arrêtaient provisoirement, une désagréable humidité imprégnait l’air. Les jours raccourcissaient et le soleil, quand il daignait se manifester, ne cessait de pâlir. Certains jours, les scribes se plaignaient qu’à midi ils ne pouvaient déjà plus écrire. Dans la lutte éternelle entre les ténèbres de la nuit et la lueur bienfaitrice du jour, c’était la nuit qui semblait l’emporter.
    C’est par une journée blafarde que l’évêque revint de Cruilles, accompagné des gardes de sa maison et de ses serviteurs, de son médecin, de Raquel et de Yusuf. Bien que soulagé des fièvres et désireux de rentrer chez lui, il était encore trop faible pour protester à l’idée d’être transporté dans une litière au lieu de monter à cheval ou de chevaucher sa mule placide.
     
    Isaac, Raquel et Yusuf trouvèrent à leur arrivée une cheminée bien garnie et une table chargée d’une abondance de mets savoureux. Attiré par le bruit qu’occasionnait leur

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