Le guérisseur et la mort
chose dont vous désirez me parler ?
— Non, dit-il, et Isaac l’entendit se lever. Je vous remercie de m’avoir écouté, maître Isaac.
— Peut-être Yusuf aura-t-il la bonté de vous raccompagner.
— Bien sûr, fit le jeune garçon un peu étonné, qui, néanmoins, posa son gobelet et se dirigea vers la porte.
— Il est parti ? demanda Isaac quand Yusuf fut revenu.
— Oui, seigneur. Je crois que vous l’avez terrorisé.
— Vraiment ? Et quand donc ?
— Quand vous avez dit qu’il n’avait pas à s’inquiéter à ce propos, il a bondi de sa chaise comme si un serpent l’avait mordu.
— J’ai entendu gémir le bois de la chaise, en effet. Yusuf, veux-tu courir jusque chez maître Mordecai pour récupérer cette potion avant que quelqu’un n’essaie d’en boire ? Je dois réfléchir à tout ça.
Il fallut attendre le lundi pour que maître Maimó trouvât le temps d’emmener à nouveau Daniel chez maîtresse Perla. La porte était grande ouverte et une jeune fille balayait vigoureusement le sol du couloir sans même avoir conscience de leur présence. Elle leva les yeux, les vit et rougit.
— Oh, pardonnez-moi, maître Maimó, je ne voulais pas…
— J’en suis persuadé, mon enfant. Ta maîtresse est-elle là ?
— Je vais la prévenir, dit la servante qui se sauva en emportant son balai.
— Puisque vous insistez pour venir un jour comme aujourd’hui, dit une voix, et à moins que vous ne teniez à nous aider, il vous faudra vous asseoir tranquillement dans la cour et nous regarder.
— De quel jour parlez-vous, maîtresse Perla ? demanda Maimó qui, prenant cette remarque pour une invitation, entra, suivi de Daniel.
— Vous n’avez donc pas de nez ? Ne sentez-vous pas le linge qui bout, le savon et le dîner d’hier qui réchauffe sur le feu ? Cette semaine, nous faisons la lessive. Prenez garde, ou je vous envoie accrocher les draps humides, lança-t-elle avant de s’interrompre brusquement. Mais je vois que maître Daniel vous accompagne. Comme c’est charmant ! Vous allez apprendre comment on lave son linge dans les îles ! ajouta-t-elle en riant.
— Comme vous le savez, dit Maimó, je n’ai aucune compétence en ce qui concerne les choses de la maison. Comme des affaires m’attendent, peut-être puis-je vous confier un instant maître Daniel ? Je crois qu’il appréciera de s’entretenir avec vous si vous pouvez lui accorder de votre temps. Pour me rejoindre, Daniel, vous demanderez au premier venu : je serai en train d’examiner des soieries.
— Bien, dit Perla, qu’y a-t-il de si important qui ne puisse attendre jusqu’à ce soir et qui pousse maître Maimó à abandonner son invité ?
Ils étaient installés à une table, sous un arbre fruitier, et des rafraîchissements leur avaient été servis par la servante toute couverte de poussière.
— Je me trouve ici au nom de maître Mordecai, commença Daniel, en simple messager, et je ne suis pas certain de comprendre tout ce que je dois vous demander. Je vous prie par avance de me pardonner si mes questions vous semblent délicates ou douloureuses.
— Cela m’a l’air bien sérieux. En quoi cela me concerne-t-il ?
— Maître Mordecai aimerait tout savoir de votre petit-fils, Rubèn, depuis que celui-ci a quitté Séville en compagnie de sa mère.
— Le pauvre petit Rubèn, dit-elle alors que ses yeux s’emplissaient de larmes. Pardonnez-moi. Ils me manquent tant.
Elle s’essuya avec son mouchoir.
— Bien, cela ira. Mordecai veut tout savoir ? Quelle étrange demande ! Je ne crois pas que cela lui fasse du bien, mais je vais m’efforcer de vous répondre.
— Depuis le jour où il débarqua à Majorque.
— Je ferai de mon mieux, je vous l’assure. Ils sont arrivés il y a trois ans. Rubèn n’avait que douze ans. C’était un gentil garçon, affectueux et paisible, mais je crois qu’il s’ennuyait ici. Il fréquentait encore l’école, voyez-vous, mais ce n’était pas un érudit et la plupart des autres enfants étaient plus jeunes que lui.
— Cela n’a pas dû être facile pour lui.
— C’est possible. Il se sentait assez bien à la maison, mais il nous posait tout de même des problèmes de temps à autre. Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’aller le chercher en classe pour le déjeuner et d’apprendre qu’il faisait l’école buissonnière. Faneta désapprouvait mon geste, elle m’en voulait et s’en voulait
Weitere Kostenlose Bücher