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Le héron de Guernica

Le héron de Guernica

Titel: Le héron de Guernica Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Antoine Choplin
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mouettes que ça va ramener et il se demande si Rafaël va venir pour les chasser.
    Il franchit la voie de chemin de fer et emprunte le sentier qui serpente au milieu des aulnes. En quelques minutes, il atteint la rivière, presque à l’aplomb du pont de la Renteria.
    Il pose son coffret au sol, son carton dessus. Un long moment, il observe le flot, s’enivre de la masse d’eau sombre en mouvement. Pour un peu, il en perdrait l’équilibre.
    Et puis soudain, Basilio remarque comme la lumière a crû sur toute chose et comme autour de lui, les couleurs se déploient. Il reprend ses affaires, se fraye un chemin sur la terre grasse, parmi les herbes hautes.
    Après une centaine de mètres, il arrive en vue du marais. À cet endroit, se dresse la muraille d’une roselière de forte densité. Les eaux stagnantes se dissimulent partout sous le couvert des végétaux et cheminer à pied sec devient une gageure.
    Basilio progresse avec précaution, en se tenant au plus près du lit principal de la rivière. Ses semelles sont trempées de boue lorsqu’il atteint les deux troncs accolés à moitié immergés qui permettent de franchir une vaste zone inondée. Pas après pas, en respirant à peine, il avance en équilibre sur les troncs, le regard tendu vers le terre-plein herbeux qui marque la fin du passage.
    Au moment de le rejoindre, son pied d’appui dérape sur le bois écorcé et il se retrouve debout dans l’eau, mouillé jusqu’à mi-mollet. Par réflexe, il lève les bras, brandissant au plus haut son carton et sa mallette.
    Les pas qui suivent rendent un curieux bruit de succion.
    Après, il contourne la roselière en s’éloignant de la rivière et rapidement, la vue s’ouvre sur les eaux du marais.
    Basilio s’immobilise. Son regard étudie lentement les lieux, avec précision. Parcourt l’espace dans un sens puis dans l’autre, avec de longues poses, ici et là.
    Les eaux lisses et peu profondes ont perdu leur robe de mercure des premières clartés et s’allument maintenant de mille scintillements. S’en échappent déjà en plusieurs endroits de fines colonnes de vapeur. En face de Basilio, à une trentaine de mètres, un groupe de grèbes circule en silence, au plus près du rempart de roseaux.
    Le héron n’est pas là.
    Basilio fait quelques pas jusqu’à la souche. Elle est encore humide à cette heure matinale. Il s’y assoit quand même, délace ses souliers détrempés, vide l’eau qui s’y est accumulée. Ses pieds nus reposent sur le sol moussu. Les grèbes se mettent soudain à produire des trilles énergiques en agitant l’eau. Et puis tout redevient calme.
    Basilio commence à sortir son matériel.
    À plusieurs moments, il s’interrompt et scrute les alentours. Vers le ciel aussi, les yeux plissés. Puis il reprend le cours de sa petite installation, la palette, les tubes de couleur, les pinceaux sur le papier journal déplié.
    À part les godasses pleines de flotte, c’est une journée parfaite, voilà ce qu’il se dit Basilio. Avec une lumière idéale pour peindre les hérons. Et il pense à Celestina, ce qu’il va pouvoir faire pour elle. Enfin, pour autant que le héron se décide à apparaître.
    Il entend le cri d’une mouette avant de la voir virevolter au-dessus du marais.
    Et voilà, c’était sûr, se dit Basilio.
    Une demi-heure plus tard, le soleil surgit d’un coup au-dessus des petits arbres et Basilio en ressent immédiatement la bonne chaleur au front.
    À ce même instant, il a le pressentiment de sa présence.
    Son regard méticuleux fouille une fois encore la forêt de roseaux. Depuis le temps, il sait ce que parfois, la venue du héron dans le paysage peut avoir de subreptice, de clandestin. C’est un affût qu’il aime pour ça aussi, pour cette attention qu’il réclame, cet œil d’initié.
    Là-bas, parmi l’entrelacs des pieds de roseaux, il y a cette oblique en mouvement lent, marquée par une légère boursouflure à l’articulation. Le héron risque une patte vers l’avant, avec précaution. Elle finit par rejoindre l’eau, y pénètre sans bruit. La lenteur de sa progression est stupéfiante. Il fait ainsi quelques pas ; et le voilà immobile, de profil.
    C’est bien lui. Le héron des autres fois. Basilio reconnaît le plumage du corps à sa prédominance de gris et surtout, aux deux petites taches noires qui marquent la partie antérieure. Le cou est d’un blanc lumineux, à l’élégance prononcée par de longues et fines

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