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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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trou.
    — C’est honteux de faire ensevelir sa femme comme une misérable alors qu’il aurait amplement de quoi s’offrir un caveau tout neuf. Tudieu, quel pingre !
    — Tout le monde sait où s’en vont les écus de ce gros sanglier…
    — Hélas. J’en suis marri pour le Ratier. Voyez-le un peu, ce pauvret. On dirait qu’il n’a même pas conscience de ce qui lui arrive.
    Le visage blême du garçon accentuait l’obscurité de ses yeux dans lesquels brillait une seule étoile, polaire, très lointaine.
    — Il a changé, je trouve. Qu’importe, c’est désagréable à regarder.
    — Plaise à Dieu que Firmin ne trépasse pas bientôt, dit une parente éloignée. Les pauvres parrains. Moi, à leur place, je ne saurais que faire d’un tel enfant.
    — Serait-ce trop vous demander que de vous taire ?
    Vexées d’être ainsi rappelées à l’ordre, les commères tournèrent leur regard en direction de la personne qui avait parlé. C’était Églantine. Le poing de la jeune fille se refermait sur son mouchoir parfumé, détrempé par ses larmes. La jeune fille dit encore :
    — Laissez-le tranquille. Vous ne savez rien de lui. Vous n’avez même pas idée de ce qu’il est vraiment.
    Il était difficile de savoir si Louis avait perçu cet échange ou non. Mais un petit garçon n’en avait rien manqué. Il se détacha du groupe et vint se planter devant Églantine.
    — Tu es sa petite amie ? lui demanda-t-il.
    Églantine renifla.
    — Non.
    — Alors tu devrais l’être puisque tu l’aimes bien.
    — Mais de quoi tu parles ? Je ne suis pas amoureuse de cette brute.
    — Viens, allons le voir.
    Le garçon prit Églantine par la main. Elle se rétracta.
    — Quoi ? Mais c’est hors de question. Je n’ai aucune envie de me faire encore éconduire comme une mendiante importune.
    Le garçon se garda d’insister. Il alla donc se présenter seul à Louis.
    — Salut. Mon nom est Nicolas. Nicolas Flamel {35} . J’habite pas très loin de chez toi. Mes parents ne veulent pas que je vous fréquente, toi et tes amis. Mais moi, je trouve que tu n’es pas bête. Et j’aimais bien ta mère.
    — Nicolas, appela une femme.
    — Tiens, j’ai quelque chose pour toi, de la part de cette fille qui est juste là.
    Le garçon prit la main de Louis.
    — Attention, n’y touche pas, ordonna Églantine trop tard.
    Le garçon déposa quelque chose dans la main de Louis, puis il s’en alla rejoindre sa mère. Elle se baissa pour lui dire :
    — Je t’ai déjà dit de ne pas t’approcher de ce garnement. Il est trop imprévisible.
    Louis ouvrit la main : Nicolas lui avait offert une dragée au miel parfumée au citron. Il la mit dans sa poche.
    Au signal du célébrant, le reste des membres de la corporation se rapprochèrent de la fosse fétide. Il était temps de faire cesser cet échange de commérages qui remplaçait chez ces gens simples le recueillement et la compassion qu’ils auraient dû témoigner. À quoi d’autre fallait-il s’attendre avec cette pauvre petite femme qu’aucun d’entre eux ne s’était réellement donné la peine de connaître ? La voix solennelle du prêtre s’éleva pour réciter quelques prières en latin. Après quoi il leva les yeux et dit :
    — Adélie nous a quittés pour un repos bien mérité en attendant le jour du Jugement. Pour nous tous qui demeurons en ce monde, c’est là une chose difficile à accepter et encore plus à comprendre, mais telle est la volonté de Notre-Seigneur. Tout ce qui nous entoure, les objets, les amis, ceux que nous aimons, tout cela ne nous est que prêté. Il faut le rendre un jour.
    Louis reçut soudain sur son épaule la main charnue de son père comme un coup de battoir. Firmin s’appuya davantage contre son fils. Louis supporta le faix avec une velléité de soumission muette.
    Le brancard loué fut empoigné par quatre hommes qui le transportèrent jusqu’au bord de la fosse. Ils l’inclinèrent. Précédée du petit paquet qui roula comme un jouet, une nouvelle forme blanche se mit à glisser, d’abord avec réticence. Le corps d’Adélie tomba, tout raide, complètement enveloppé de son linceul. Il roula au fond du trou comme une chose. Louis se sentit tomber en avant avec lui. Il fut retenu par la main tremblante de Firmin qui n’avait cessé de lui pétrir douloureusement l’épaule. Des hoquets et des reniflements emplirent un instant le silence.
    —  De profundis clamavi ad te, Domine   :

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