Le jeu de dupes
détimbrée par la colère :
– Taisez-vous !
Mizgin releva la tête et le fixa.
– Encore, susurra-t-elle de sa voix légèrement éraillée.
François fit un effort surhumain pour ne pas lui donner satisfaction et recula d'un pas. L'exotique créature s'avança, vrillant ses yeux aux siens.
– Pourquoi refuser ce que je vous offre de bon cœur et dont vous avez tellement envie ?
Elle prit la main qui l'avait frappée et la plaça sur sa poitrine en collant son bassin contre celui du gentilhomme. Durant une fraction de seconde, François crut qu'il allait réussir à échapper à son emprise, cependant la violence de son désir fut plus forte que tout et il se mit à la pétrir de ses mains avides mordant et martyrisant sa chair offerte.
– Viens, gémit-elle en s'allongeant à l'abri du bosquet, l'entraînant de tout son poids en relevant ses jupons, murmurant des encouragements dans sa langue natale aux sonorités inhabituelles où un prénom, Safi, revenait en boucle.
Il abdiqua alors tout contrôle et se perdit en elle en l'écrasant, souhaitant que chaque coup de butoir l'ensevelisse sous terre tout en ressentant une jouissance profonde, animale, insatiable à lui faire subir ses douloureux assauts, se déchaînant sur elle comme si elle n'était plus qu'un objet de stupre. Lorsqu'il eut terminé, il se releva en titubant puis se rajusta, subitement dégrisé en constatant avec dégoût l'état dans lequel il avait mis sa partenaire. Il s'était comporté en soudard et Mizgin en portait les traces. Le plaisir pris ne supporta pas la comparaison avec le sentiment de déchéance et de culpabilité qui l'envahit avec la certitude que, s'il continuait ainsi, il lui faudrait aller chaque fois plus loin pour ressentir cette volupté sadique à posséder l'autre sans limites. L'Orientale semblait avoir besoin de revivre inlassablement cette violence queFrançois soupçonnait être liée au frère brutal, le shah Safi I er , dont elle avait parlé. Pas lui. Il était temps de mettre fin à ce processus destructeur. Il aida Mizgin à se relever et à réajuster sa toilette sans échanger une parole. Cette dernière prit son temps, satisfaite d'avoir éveillé chez son partenaire la part la plus trouble de sa sexualité et de l'avoir propulsé dans son univers où la souffrance conditionnait l'orgasme.
– Tu m'appartiens, triompha-t-elle.
– Détrompez-vous… j'ai apaisé pour la dernière fois cette soif malsaine que j'avais de vous.
Mizgin, croyant son ascendant confirmé, tomba de haut car elle comprit au ton employé qu'il ne mentait pas. Furieuse, elle le souffleta mais il ne réagit pas. Elle avait perdu toute son emprise.
– Alors retournez vers votre insipide épouse, vous n'êtes qu'un faible, cracha-t-elle.
– J'aime ma femme, Mizgin, elle est ma force, elle révèle ce que j'ai de meilleur en moi loin de vos joutes mortifères qui nous transforment en bêtes lubriques… Il vaut mieux que nous en restions là. Laissez-nous en paix. Adieu, Madame.
Sur ce, il l'abandonna et revint en direction de la terrasse où le bouquet final ravissait l'assistance.
– Où étiez-vous ? dit benoîtement Louise.
– Je discutais avec notre hôte, la rassura François.
Nolwenn ne dit rien, se contentant de le toiser froidement en inspectant sa tenue. François tenta de ne pas ciller. Le spectacle s'acheva et des domestiques apportèrent des flambeaux pour éclairer la loggia. À cet instant, Mizgin fit son apparition, le visage meurtri, l'œil noir rempli de colère. Enpassant devant le clan des Rohan Montauban, elle marqua un imperceptible arrêt devant François et jeta un regard fielleux à Nolwenn avant de disparaître à l'intérieur du château.
– Quelle étrange créature ! ne put s'empêcher de s'exclamer Louise, étonnée par sa drôle d'allure. On dirait qu'elle a chuté dans les ronces. Vous la connaissez, François ? demanda-t-elle.
– Nous l'avons croisée lors de notre enquête, intervint Arnaud, volant au secours de son beau-frère. Elle nous a permis d'approcher Gondi.
Nolwenn ne pipa mot et fit semblant de s'intéresser à la conversation de Ninon et du comte d'Aubijoux à sa droite. Un laquais arriva pour annoncer que le souper était servi. Arnaud empoigna François et le tira à l'écart.
– À quoi joues-tu ?
– Laisse-moi ! s'énerva François en se dégageant brutalement.
Il était furieux contre lui-même, contre Arnaud qui l'empêchait de se venger de
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