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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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s’engourdissait dans le vin et le sommeil » ;
il réagit pourtant prestement et, tandis qu’il continue à boire avec les chefs
goths, ses hommes, dans les couloirs du palais, éliminent sans bruit tous les
gardes que les chefs en question avaient amenés avec eux. Mais ensuite
Lupicinus laissa échapper le moment favorable – peut-être aurait-il dû
simplement avoir le courage d’aller jusqu’au bout en faisant égorger aussi les
chefs, et ne le trouva-t-il pas. Les Goths, à l’extérieur des murs, remarquèrent
que leurs chefs tardaient à revenir, et ils redoublèrent d’ardeur en cherchant
à pénétrer dans la ville ; alors Lupicinus perdit la tête. Fritigern et
les autres, qui devaient être eux aussi ivres morts, finirent par s’apercevoir
que quelque chose n’allait pas, s’approchèrent de Lupicinus et lui dirent, d’un
air dégagé, qu’il y avait eu un malentendu, que certainement leurs hommes, là
dehors, croyaient que quelque chose était arrivé à leurs chefs, et que pour
éviter un désastre il fallait absolument qu’ils se précipitent dehors pour
faire voir que rien ne s’était passé et calmer les esprits. Lupicinus n’eut pas
le courage de les en empêcher ; il les laissa partir. Dès qu’ils furent
sortis, Fritigern et les autres comprirent que les choses s’étaient précipitées
et qu’il n’y avait plus rien à faire. Ils montèrent à cheval et, au milieu des
cris d’enthousiasme de leurs hommes, déclarèrent que les Romains avaient rompu
leurs engagements, et que c’était désormais la guerre.

V
LE DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE

    Le théâtre de la
guerre (376-378)

1.
    La révolte des Goths s’abattit sur les environs de
Marcianopolis comme une catastrophe. Les guerriers étaient outrés d’avoir été
trahis, et ils avaient des familles à nourrir. Leurs bandes ne tardèrent pas à
se procurer des chevaux et à ratisser les campagnes sur de vastes distances, incendiant
les fermes, tuant les paysans et prenant tous les biens qu’elles pouvaient emporter.
Lupicinus était le commandant militaire de la province, et il lui revenait de
faire face à cette situation ; il aurait pu en référer à l’empereur et
demander son intervention, mais il estima qu’il était capable de se débrouiller
tout seul – et il est évident que, pour sa carrière, il valait beaucoup mieux
pouvoir déclarer à Valens qu’il avait liquidé la révolte plutôt que d’appeler
des renforts. Il rassembla donc en hâte les troupes qu’il avait sous la main et
s’avança en terrain découvert pour livrer bataille, par un réflexe propre à
tous les généraux romains, tellement sûrs de leur supériorité sur les barbares
qu’ils ne reculaient jamais devant une bataille en bonne et due forme.
    Il est difficile de savoir avec certitude combien de soldats
Lupicinus avait pu réunir. Dans une grande province telle que la Thrace – une
des douze subdivisions, appelées « diocèses », de l’empire –, on
estime qu’il pouvait y avoir vingt-cinq mille hommes formant les troupes
mobiles stationnées dans les cités de l’intérieur, et autant de limitanei ,
c’est-à-dire d’hommes répartis dans les postes-frontière sur le cours inférieur
du Danube. Mais les limitanei ne pouvaient être retirés des avant-postes
sans mettre en péril la survie même de l’empire, et par conséquent nous n’avons
pas à les prendre en compte. Quant aux troupes mobiles, il n’est pas dit que
les effectifs prévus sur le papier aient été effectivement présents sous les
enseignes. Quoi qu’il en soit, les régiments étaient éparpillés dans diverses
cités parfois distantes de plusieurs centaines de kilomètres, alors que nous
savons que Lupicinus intervint rapidement, cherchant à régler le problème avant
qu’il ne devienne trop important et que des informations déplaisantes ne
parviennent aux oreilles de l’empereur. Très probablement, il réunit seulement
les régiments qui avaient leurs quartiers à Marcianopolis et les détachements
de frontière qui avaient accompagné le convoi jusque-là, ou plus exactement ce
qu’il en restait après la révolte des réfugiés. Tout compte fait, il ne dut
guère avoir plus de cinq ou six mille hommes à sa disposition ; mais c’étaient
des troupes professionnelles munies d’un équipement lourd, produit en série
dans les armureries impériales.
    À cette époque, l’armée romaine ne combattait plus avec le pilum et le

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