Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
qui nous l’amènera : elle fera
tout ce que nous voudrons pour satisfaire ses propres intérêts.
– Vous faites travailler
vos filles pour vous, murmura Aerith.
– Tout
le monde travaille pour moi, mais personne ne le sait. Y compris mes filles, y
compris même ce cher Rupert. Si vous n’aviez pas été recrutée par l’Angleterre,
jamais votre époux n’aurait accepté de vous aider…
– Mais
pourquoi avoir impliqué Cassandra puisque votre homme de main était déjà sur la
trace du Livre ?
Une ombre passa sur le
visage de William.
– Je
préfère prendre mes précautions car son attitude récente me déroute. Il
semblerait qu’il se soit attaché à la petite Ward, c’est très surprenant. Je ne
le croyais pas capable de sentiments…
Ses doigts s’enfoncèrent
dans la chevelure d’Aerith, jouèrent avec les longues mèches soyeuses. Mais à
son désappointement, William interrompit son geste et ramena sa main sur la balustrade
recouverte de feuilles d’or avant de lâcher d’un ton méprisant :
– Cette pitoyable
monarchie vit ses dernières heures. Que la reine Victoria profite de son trône
pendant qu’il en est encore temps !
DEUXIÈME
PARTIE
I
Dressés
dans la pénombre en arc de cercle, les dix sarcophages métalliques luisaient à
la lueur vacillante de deux appliques à gaz. Dans quelques jours, le dix
novembre, un onzième viendrait les rejoindre.
Debout
au centre de la pièce, au sous-sol du siège de Scotland Yard, entouré par les
vierges de fer, Clayton les scrutait une à une, à la recherche une fois encore
d’un détail qui le mettrait sur la piste du meurtrier. Mais les Dames Noires se
contentaient de le fixer, impavides, et rien ne les distinguait l’une de
l’autre.
Clayton
s’approcha du sarcophage le plus proche, passa sa main sur le couvercle glacé
puis l’ouvrit. Il pivota en silence, découvrant les pointes effilées couvertes
de sang séché qui tapissaient les parois intérieures. Clayton pressa sa paume
contre l’une d’elles, appuya jusqu’à étouffer un cri de douleur. Il retira sa
main et examina la plaie sanguinolente ; de minces filets vermeils
coulaient le long de ses doigts et de son poignet.
Un
bruit soudain arracha Clayton à sa fascination. Un souffle rauque, une respiration
heurtée, oppressante. Il regarda autour de lui et ses yeux se posèrent sur la
vierge de fer la plus éloignée de la porte. Le couvercle du sarcophage
frémissait. Un martèlement lourd, violent, emplit les oreilles de Clayton. Les
battements de son cœur. À moins que ce ne fussent ceux de…
Un choc sourd ébranla la
vierge de fer. Lentement, très lentement, le couvercle s’ouvrit. Clayton fit un
pas vers le sarcophage ; le sang qui continuait à couler de sa blessure
laissa une traînée écarlate sur le sol. Le couvercle était entrebâillé à
présent, et une main blanche apparut sur le rebord. L’espace d’une éternité, le
monde se figea. Puis un cri brisa le silence. Le cri d’un enfant.
Clayton
franchit d’un bond la distance qui le séparait du cercueil métallique et l’ouvrit
à la volée. Presque simultanément, il recula comme s’il avait vu sa propre
mort.
Elle
était là, les mains jointes en un geste implorant, sa robe éclaboussée de sang.
Et toujours son regard d’une infinie tristesse. Elle était si proche qu’il
pouvait sentir l’odeur de ses cheveux cendrés, de sa peau laiteuse. Il voulut
tendre la main vers elle, la toucher, la caresser, mais un nouveau cri
suspendit son geste. Il fit volte-face, balaya la pièce d’un regard fiévreux
mais ne vit pas l’enfant qui continuait pourtant à pleurer. Ses hurlements
aigus résonnaient dans la pièce, se cognaient contre les murs, venaient vriller
les oreilles de Clayton et marteler son crâne, menaçant de le rendre fou. Il
tenta de bouger, en vain : à cet instant, les longs cheveux de la femme
s’enroulèrent autour de son cou. Il se débattit, et la douloureuse étreinte se
resserra davantage. Il avait mal, il suffoquait, et toujours, toujours, les
cris de l’enfant…
C’était
toujours à ce moment que Clayton se réveillait. Il se redressa brusquement dans
son lit, passa une main tremblante sur son front puis rejeta ses couvertures.
Au salon, il se servit un verre de cognac qu’il but à petites gorgées, debout
devant la fenêtre qu’éclairait un bec de gaz dans la rue. Peu à peu, l’alcool
fit son effet, réchauffant ses veines, apaisant les
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