Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
battements affolés de son
cœur.
Ces
dernières semaines, il avait souvent fait ce rêve qui mêlait cauchemars passés
et présents. Il en ressortait à chaque fois avec l’impression qu’il n’était
plus que l’ombre de lui-même.
Mais
il savait qu’il méritait ce châtiment. C’était sa punition pour les avoir
abandonnés.
Clayton
inspira profondément et s’assit à son bureau, se forçant à se concentrer sur
ses notes. Jamais il n’avait eu d’enquête si difficile à résoudre : le 10
novembre approchait, un nouveau meurtre allait se produire, et Clayton n’avait
toujours pas le début d’un indice. Toutes ses maigres pistes, que ce fut le
dragon de sang ou la Sainte-Vehme, débouchaient sur des impasses. Mais il lui
restait peut-être une chance de progresser dans ses investigations. Un message
arrivé le jour même à Scotland Yard lui avait redonné espoir. Enfin, Mary Ann
Yeats, la petite servante de sir Henry Penrose, première victime de la Dame
Noire, avait été retrouvée. Peut-être aurait-elle les idées plus claires à
propos de ce qui s’était passé la nuit de l’assassinat. Et il y avait aussi
Cassandra Ward, anciennement Cassandra Jamiston. Il ignorait si elle était liée
aux meurtres d’une manière ou d’une autre. En revanche, il ne faisait aucun
doute à ses yeux que cette femme n’était pas ce qu’elle prétendait être.
Clayton
se leva, et son regard tomba sur un cadre posé sur la tablette de la cheminée.
Il demeura un long moment à le contempler, regrettant de ne pouvoir retourner
dans son rêve, fermer la porte derrière lui et disparaître à jamais.
II
Pour
Walter qui n’avait jamais quitté l’Angleterre, et dont les seules expériences
de voyages se limitaient à quelques excursions au bord de la mer avec l’agence
Thomas Cook, le périple jusqu’en Russie avec Angelia et Seishiro se révéla
cauchemardesque.
Il
découvrit tout d’abord sur le bateau qui les menait à Saint-Pétersbourg qu’il
souffrait du mal de mer, une révélation dont il se fut volontiers passé. Comble
de malheur, le navire essuya une violente tempête au large des côtes du
Danemark. Il passa ces heures noires enfermé dans sa cabine, convaincu que ses
derniers instants étaient arrivés, tandis qu’Angelia bravait les éléments en se
promenant sur le pont avec l’air de beaucoup s’amuser. Comme si cela ne
suffisait pas, la température baissait à mesure qu’ils se rapprochaient de la
Russie. Le froid devint si vif qu’il faisait monter des larmes dans les yeux de
Walter.
Pour
couronner le tout, Angelia semblait avoir décidé de faire de Walter son
confident. Elle lui relata les moindres détails de son existence agitée, y
compris ceux qu’il aurait préférés pour sa tranquillité d’esprit qu’elle passe
sous silence. Elle lui parla de son enfance meurtrière, de sa bien-aimée sœur
Cassandra qui, âgée de douze ans à peine, avait essayé de la noyer (Grand Dieu,
toute la famille était-elle donc frappée de démence ? Walter se serait
sans doute pendu s’il avait eu la malchance d’avoir de telles calamités pour
sœurs). Elle lui raconta sans rougir son mariage à seize ans avec le richissime
lord Robert Killinton, mariage dicté uniquement par l’intérêt et qui lui avait
ouvert les portes de la haute société ; sa vie en Asie et son séjour au
Japon d’où elle avait ramené Seishiro ; son retour à Londres après la mort
de son époux ; l’organisation criminelle qu’elle avait dirigée (le célèbre
et redouté Cercle du Phénix, rien que ça ! Walter en demeura tout ébaubi),
et enfin ses années à l’asile.
– Il
y avait là-bas une femme qui passait son temps à s’arracher les cheveux et à
les manger, expliqua-t-elle à Walter, la mine espiègle.
– Vous
avez l’air de vous y être beaucoup divertie et d’y avoir fait de charmantes
connaissances. Vraiment, c’est à se demander pourquoi vous n’y retournez pas,
lança Walter d’un ton pincé.
Angelia
paraissait prendre plaisir à observer ses réactions horrifiées ou indignées.
Mais elle le fit aussi bâiller d’ennui lorsqu’elle évoqua ses succès mondains,
s’étendant longuement sur les bals et réceptions qu’elle donnait du temps de sa
splendeur, et décrivant par le menu les robes qu’elle y portait.
Ces
confidences donnaient à Walter des clés pour mieux comprendre Angelia, si cela
était possible. Mais dans le même temps, elles le
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