Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
meurtres de la Dame Noire.
– Comment
peux-tu en être aussi sûr ?
– Je
le sais, c’est tout.
– Tu as peur d’enquêter
sur lui parce que c’est un aristocrate, un personnage puissant ? Tu me
déçois, Clayton ! Alors quoi ? Les hommes de Westbury m’ont agressé,
et tu ne vas rien faire ?
– Estime-toi heureux qu’il
n’ait pas porté plainte contre toi après ton effraction. Quant à moi, je ne
vais pas perdre mon temps à suivre une fausse piste.
– Une fausse piste ?
s’étrangla Jeremy. Que fais-tu du document trouvé chez Charles Werner
mentionnant l’Astrum, trois
victimes de la Dame Noire et une auberge dans laquelle étaient postés des
hommes de Westbury ?
– Ce n’est pas ta
mésaventure au Pays de Galles qui me fera changer d’avis. Quant au papier
trouvé chez Charles Werner…
– Qui je te le rappelle
était le chef du Cercle du Phénix, l’organisation criminelle la plus dangereuse
de ces dernières années !
– Ça, c’est toi qui le
dis. Il n’y a aucune preuve d’une quelconque implication de Werner dans les
activités du Cercle, et maintenant qu’il est mort nous ne serons jamais fixés.
Tu devrais plutôt suivre le conseil que les hommes de lord Westbury t’ont
donné : ne t’occupe plus de lui, sinon tu risques des problèmes autrement
plus graves que quelques coups.
– Va au moins voir
l’auberge du Dragon Rouge, tu y reconnaîtras le dragon trouvé sur les lieux des
crimes !
– C’est
inutile.
Jeremy
le regarda comme s’il le voyait pour la première fois.
– Mais que t’arrive-t-il
enfin ? Pourquoi protèges-tu cet homme ?
– Mais c’est toi que je
protège, imbécile ! rugit Clayton. Si tu t’attaques à lui, tu as tout à y
perdre. Oublie cette affaire, cela vaut mieux.
Jeremy
secoua la tête avec incrédulité.
– Tu me déçois,
répéta-t-il. J’avais confiance en toi… Si tu refuses de m’aider, tu n’as plus
qu’à t’en aller maintenant.
Clayton hésita sur le pas de la porte. Puis,
sans un mot, il quitta l’appartement.
VIII
Dans la pénombre du fiacre qui ramenait Julian
et Cassandra au château de Saujac, la broche de Florentine scintillait
doucement. Délicat travail d’orfèvrerie, le bijou figurait un paon aux plumes
constellées d’émeraudes. Mais pour Cassandra, il représentait surtout l’espoir
d’atteindre son but. Grâce à cette broche, le baron de Saujac aurait la preuve qu’ils
avaient retrouvé la trace de sa fille et leur donnerait comme promis la toile
de Jérôme Bosch.
– Nous devons prévenir
Gabriel pour son grand-père, déclara soudain Julian. Ou au moins apprendre au
baron que Florentine a eu un enfant à Londres. Il a le droit de le savoir.
– Nous ne ferons rien de
tel, trancha Cassandra. D’abord parce que nous ne pouvons être certains que
l’enfant trouvé chez Florentine était bien le sien, ensuite parce que s’il
apprenait qu’il avait un petit-fils, le baron nous demanderait de le lui
ramener en échange du tableau. Or nous n’avons plus de temps à perdre pour le
récupérer.
– Je vous en prie,
Cassandra, est-ce vraiment le plus important ?
L’apparition dans le ciel des tourelles du
château de Saujac lui épargna la peine de répondre à cette question
embarrassante.
Lorsqu’ils descendirent du fiacre et
s’approchèrent de la grille, l’homme trapu qui les avait accueillis lors de
leurs précédentes visites
se dirigea vers eux, tout de noir vêtu. Le cœur de Cassandra se mit à battre plus
vite. Le domestique paraissait bouleversé, et ce fut d’une voix hachée qu’il
annonça :
– Vous
arrivez trop tard. M. le Baron est mort hier.
*
Cassandra se laissait rarement aller au
désespoir, mais l’annonce du décès du baron de Saujac lui porta un coup
terrible et durant quelques heures elle demeura sans force et sans volonté,
incapable d’envisager la suite des événements. Comment récupérer le tableau de
Bosch à présent que le seul homme connaissant son emplacement n’était
plus ? Cette question la plongeait dans un douloureux désarroi auquel elle
ne voyait aucune issue. Puis l’abattement fit place à la colère. Dire qu’il
s’en était fallu d’une seule journée ! Ils avaient joué de malchance,
c’était par trop injuste !
Julian avait observé avec une anxiété croissante
les marques de cet accablement qui lui ressemblait si peu, d’abord dans la
voiture qui les ramenait à
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