Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
oreilles, et son cœur tanguait dans sa
poitrine. À pas lents, elle se dirigea vers l’entrée du caveau à la suite de
Rupert. Elle allait atteindre l’escalier quand elle trébucha sur l’un des
petits cercueils les plus abîmés, celui de Margaret.
Sous
le choc, le couvercle tordu et défoncé par les siècles s’entrouvrit
brusquement.
De
la poussière et de minuscules morceaux bruns d’os brisés s’échappèrent de la
bière, ainsi qu’un objet brillant que Cassandra, intriguée, se pencha pour
ramasser. Elle l’examina à la lumière de sa lampe et poussa une exclamation de
surprise.
Elle
tenait entre ses doigts un morceau de métal argenté en forme de croissant,
d’environ un pied de hauteur, dont l’une des pointes s’ornait d’un dragon
ciselé désormais familier à la jeune femme.
La Lune d’argent d’Isis.
TROISIÈME
PARTIE
I
Annonçant
le crépuscule, l’horizon s’empourprait de tous les feux du soleil disparu, et
les sommets des Carpates dans le lointain étaient couronnés de nuages embrasés
formant des forêts d’or et des lacs de sang. Accoudée à la fenêtre de
l’hôtellerie, Cassandra contemplait la ville de Bistrita qui s’étendait sous
ses yeux, dernière étape avant le but de leur voyage. Demain, ils atteindraient
le col de Borgo, et de là, l’emplacement du Livre d’émeraude.
En
arrivant en Transylvanie, Cassandra et ses compagnons avaient cherché à se
renseigner sur l’endroit indiqué par les gravures d’Isis. À leur surprise,
leurs questions suscitèrent peur et consternation. Le dragon sur le plan
désignait un château dans les Carpates manifestement bien connu des habitants
de la contrée, mais qui inspirait tant de craintes que nul n’osa leur en
parler. Il en fallait plus cependant pour décourager Cassandra, qui n’avait pas
l’intention de quitter la région sans le Livre d’émeraude.
Elle
savait à présent que c’était William Rutherford, son propre père, qui œuvrait
par son biais pour l’obtenir. Aerith n’avait pas menti en prétendant que
l’Angleterre n’attachait aucune importance au Livre. Tandis qu’il l’évoquait,
Rupert avait balayé l’air d’un geste méprisant de la main.
– William a toujours été
féru d’antiquités. Qu’il coure donc après des chimères, pendant ce temps au
moins il ne travaille pas à faire sombrer le pays dans l’anarchie !
Cassandra
estimait qu’il avait tort de se montrer si désinvolte. Pour avoir vu la pierre
philosophale de Cylenius en action, il lui semblait dangereux de sous-estimer
le pouvoir du Livre d’émeraude, de quelque nature qu’il fût. Et pourtant, elle
s’apprêtait à aider son père, un individu aux motivations inquiétantes, à
l’obtenir.
À
maintes reprises avant son départ pour le continent, Cassandra avait été tout
près de se précipiter à Belgrave Square pour le rencontrer enfin, mais chaque
fois, un mélange de crainte et de rancune l’avait arrêtée. Tant d’interrogations
se bousculaient dans sa tête. La principale étant : pourquoi la Lune
d’argent se trouvait-elle dans le caveau des enfants Rutherford ? Elle
avait beau y réfléchir, elle ne voyait aucune explication logique à ce fait. Ce
qu’elle comprenait fort bien en revanche, c’était que le hasard n’avait pas sa
place dans la découverte de la relique. Les paroles d’Aerith résonnaient encore
dans sa mémoire : « Elle viendra à vous en temps voulu ». Au
final, Cassandra avait fait exactement ce que son père attendait d’elle :
récupérer la Lune d’argent dans le caveau familial. Pourquoi ne l’avait-il pas
fait lui-même ? C’était toute la question. Mais il lui apparaissait
clairement à présent que William les avait manipulés dans l’ombre. Que tous,
autant qu’ils étaient, n’avaient été que des pantins dont il tirait les fils
dans son propre intérêt. Y compris Rupert. Y compris, et surtout, elle-même.
De
nouveau, une brûlante colère submergea Cassandra. Quel genre d’homme pouvait
manipuler sa fille pour parvenir à ses fins ? Quel genre d’homme pouvait
savoir son enfant en vie et ne pas même vouloir la rencontrer ?
L’ignominie de William Rutherford l’écœurait. Cela expliquait en tout cas d’où
Angelia tirait son génie de l’intrigue et sa morale douteuse. À cet instant,
Cassandra regretta que sa sœur ne fût pas à ses côtés, persuadée qu’elle
détenait certaines des réponses à ses
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