Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

avec la mort d’Isis… J’aurais voulu la sauver, dit doucement
Cornelia, mais elle nous avait interdit de le faire. Elle voulait suivre son
destin jusqu’au bout…
    –  Cornelia
est si sérieuse, gémit Vlad, à demi affalé sur la nappe. Elle est plus drôle
lorsqu’elle boit, glissa-t-il à Cassandra.
    Cornelia
lui jeta un regard terrible par-dessus la table avant de continuer.
    –  Tout
a commencé avec la mort d’Isis, répéta-t-elle, et la dissolution de l’Astrum…
    –  L’Astrum ?
    Cornelia
joignit les mains sous son menton ; les joyaux et pièces d’orfèvrerie
brodés sur sa robe étincelèrent à la lueur des bougies.
    –  Les
alchimistes de tout temps et de tous pays ont entretenu des relations étroites
les uns avec les autres grâce à des sociétés secrètes d’initiés dont certaines
formaient de véritables puissances occultes.
    –  Tels
les « Frères de la Rose-Croix » au XVII e siècle, intervint Julian.
    –  Exactement. L’Astrum était la plus puissante de ces sociétés. Elle a été fondée au XIV e siècle par l’Alchimiste Blanc, que vous
connaissez sous le nom de Cylenius, et l’Alchimiste Noire, Isis. Ils ont réuni
autour d’eux les douze Adeptes les plus brillants de leur époque dans le but de
réaliser ce qu’ils appelaient l’« Ars Magna », le « Grand
Art », c’est-à-dire le Grand Œuvre suprême visant à la complète
réintégration de l’homme dans sa dignité primordiale. En résumé, les membres de l’Astrum recherchaient l’Absolu.
    Vladislav étouffa un
nouveau bâillement.
    –  Viens-en
au fait, tu ennuies nos invités avec ces théories obscures. Moi-même n’y ai
jamais rien compris, ajouta-t-il sur le ton de la confidence.
    –  L’Astrum, poursuivit Cornelia,
impassible, possédait des centres de ralliement dans tous les pays. En
Angleterre, il se trouvait au Pays de Galles.
    Jeremy s’exclama :
    –  Dans le Glamorgan, j’ai
vu cet endroit !
    –  Dans
le Glamorgan, oui, à l’auberge du Dragon Rouge ; la présence de lampes
perpétuelles, lumières rouges dans la nuit, a accrédité la légende des Ellylldan
dans la région. Et au château de Saujac en France. Le baron Armand de Saujac
faisait partie de l’Astrum, et c’était aussi un grand amateur d’art. C’est lui qui,
sur les instructions d’Isis, a dissimulé les trois gravures révélant
l’emplacement du Livre d’émeraude dans des tableaux pour les protéger…
    –  J’en
étais sûre, chuchota Cassandra à Julian, qui hocha la tête.
    –  Après
la mort d’Isis et de Cylenius, continua Cornelia, l’Astrum a été dissous et ses membres se sont dispersés de par le monde. La plupart ont
connu une mort violente ; le baron de Saujac notamment a été assassiné en
1595, mais le coupable n’a jamais été identifié. L’histoire aurait pu s’arrêter
là si un homme n’avait pas décidé il y a quelques années de cela de faire
revivre la société pour assouvir son ambition. Il a regroupé autour de lui non
plus des alchimistes, mais des individus destinés à le soutenir dans ses
projets de conquête et sa lutte pour le pouvoir.
    –  Et
ce sont eux que vous avez tués, un à un… murmura Julian. Méritaient-ils
vraiment une mort aussi atroce ?
    –  Par
leurs agissements indignes, ces hommes ont souillé l’œuvre et la mémoire d’Isis
et de Cylenius. Alors oui, ils méritaient leur sort.
    Clayton, qui était
demeuré silencieux, réagit soudain.
    –  Mais ils n’étaient pas
responsables de la mort d’Isis !
    Cornelia le dévisagea
froidement.
    –  Le
crime qu’ils ont commis est encore plus grave en vérité. Ils ont pris la place
des dépositaires des secrets de l’alchimie et les ont déshonorés. Je suis
navrée que vous ne compreniez pas la gravité de leur acte…
    –  Et
les juges de la Sainte-Vehme, ceux qui ont condamné Isis à mort au XVI e siècle, est-ce vous aussi qui
les avez tués ?
    –  Naturellement.
    Clayton
secoua la tête, à court de mots ; pour la première fois de sa carrière,
les réponses qu’il obtenait ne lui étaient d’aucun secours. Cassandra en
profita pour poser la question qui lui brûlait les lèvres.
    –  Cet
homme qui a ressuscité l’Astrum à des fins personnelles…
    Elle hésita avant de
continuer.
    – … C’était William
Rutherford, n’est-ce pas ?
    Un éclat inquiétant
passa dans les yeux de Cornelia.
    –  William Rutherford, oui,
c’est son