Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

le
haut de son gilet.
    –  Bon
Dieu, jura Clayton en le voyant s’installer, mais que fais-tu ?
    –  Eh
bien je m’apprête à dîner. Je meurs de faim, mais je ne sais par quoi
commencer, tout a l’air délicieux.
    –  Tu
n’es pas sérieux ? Nous n’allons quand même pas nous attabler avec des
meurtriers comme si de rien n’était !
    –  Bah,
préférerais-tu te retrouver empalé dans une vierge de fer ? lança Jeremy
en se servant une généreuse rasade de vin.
    –  C’est ridicule, marmonna
Clayton.
    Mais
comme les autres s’installaient également, il fut bien obligé de faire de même,
ce qui ne l’empêcha pas de garder une main sur la crosse de son arme.
    Cassandra
de son côté scrutait leurs hôtes. À contempler ces visages d’une splendeur
inhumaine, une curieuse sensation l’envahit. La pâleur diaphane de Vlad et
Cornelia, leurs silhouettes déliées, leurs traits d’une angoissante perfection,
la richesse de leurs vêtements si anachroniques, tout chez eux lui évoquait
irrésistiblement un souvenir enfoui. En croisant le regard perplexe de Julian
par-dessus la table, elle comprit qu’il était en proie aux mêmes
interrogations.
    Soudain, une image
s’imposa à son esprit.
    Dolem.
    Dolem,
la création de Cylenius, la gardienne de la pierre philosophale qu’elle s’était
finalement appropriée.
    Dolem,
Vlad et Cornelia. Oui, c’était cela. En dépit de leurs différences physiques,
ils possédaient en commun quelque chose d’impressionnant et d’indéfinissable,
un charme maniéré et cruel qui exhalait l’étrange parfum glacé des anciens
temps.
    Ce qui signifiait que
Vlad et Cornelia étaient…
    –  Des homonculus, oui, lança Vladislav d’un ton aimable comme s’il avait
lu dans ses pensées. Créés par Isis en personne il y a plus de trois siècles.
    Julian observa Cornelia
avec un intérêt renouvelé.
    –  Elle
vous a créée à son image, n’est-ce pas ? C’est pour cette raison que vous
lui ressemblez tant.
    –  C’est
exact, répondit-elle avec un sourire. Et ensuite, elle a donné naissance à
Vladislav.
    –  Un homonculus, qu’est-ce que c’est que ça ? grommela Clayton,
complètement perdu.
    –  Un
être humain créé artificiellement grâce à l’alchimie, expliqua Julian, à partir
selon Paracelse de la seule semence masculine enfermée dans un alambic et
nourrie de sang humain.
    Clayton le regarda comme
s’il était devenu fou.
    –  Vous n’êtes pas
sérieux ?
    Julian poursuivit à
l’intention de Vlad et Cornelia :
    –  À
l’instar de Dolem qui était chargée de garder la pierre philosophal de
Cylenius, votre mission consistait à protéger le Livre d’émeraude d’Isis. Et,
comme elle, vous ne pouviez vous en emparer, juste attendre que quelqu’un
vienne enfin le chercher…
    Vlad approuva
vigoureusement.
    –  Tout à fait. Pouvez-vous
imaginer pareil pensum ?
    –  Cela
explique je suppose les phénomènes démoniaques dont les habitants de la région
nous ont parlé. C’était un moyen de décourager les visiteurs éventuels.
    Vlad soupira et se renversa
sur sa chaise, les yeux au ciel.
    –  Il
ne s’agissait en effet que d’un jeu destiné à faire fuir les importuns. La
seule chose que l’on risque dans cette bicoque, c’est de mourir d’ennui,
affirma-t-il en bâillant ostensiblement.
    –  Les rats, c’était donc
vous ? questionna Megan.
    –  Ils
font toujours leur petit effet, confirma l’intéressé d’un air modeste.
Spectaculaire, n’est-ce pas ?
    Clayton
s’agita sur son siège, manifestement pressé d’en revenir à son enquête.
    –  Êtes-vous
oui ou non responsable des meurtres de la Dame Noire ? lança-t-il à
Cornelia.
    –  En effet, reconnut-elle
tranquillement. Qui d’autre ?
    –  Mais…
si un douzième meurtre a réellement été commis cette nuit à Londres…
    –  C’est
certain, le coupa Cornelia. La dernière victime est un financier du nom de
Gordon Reid.
    –  Dans
ce cas, vous ne pouvez l’avoir tué et être déjà de retour ici…
    Cornelia
se pencha en avant, ses longs cheveux noirs balayant ses joues pâles.
    –  Pensez-vous
sérieusement que pour des êtres tels que nous la distance constitue un
obstacle ? Je peux vous assurer que non, inspecteur. Pas davantage que les
portes closes ou les gardes armés…
    Un long silence
accueillit ses paroles.
    –  Pourquoi ? demanda
enfin Clayton. Pourquoi ces crimes ?
    –  Tout
a commencé