Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
vêtements et des
accessoires de mode, ce qui en faisait un endroit assez proche du paradis pour
Angelia qui avait grand besoin de renouveler intégralement sa garde-robe.
Avant
de commencer ses emplettes toutefois, elle se rendit à la maison Truefitt, un
établissement de coiffure situé au numéro 20 de Burlington Arcade. Walter
refusa absolument de l’accompagner à l’intérieur et s’en alla dissiper son ennui
chez les libraires du passage. Lorsque Angelia sortit du salon deux heures plus
tard, ses longs cheveux noirs enroulés en de magnifiques anglaises, il avait
disparu. Immédiatement sur ses gardes, elle balaya des yeux la foule élégante
qui se pressait sous les arches de pierre et les verrières en chevron de la
galerie, puis remonta le passage d’un pas vif, guettant la silhouette
dégingandée de Walter à travers les vitrines en saillie des boutiques. Elle
revenait sur ses pas quand il surgit soudain devant elle, sortant d’une
confiserie.
– Où étiez-vous ?
gronda-t-elle.
– Eh
bien ici, dans ce magasin, répondit Walter la bouche pleine. J’ai acheté des
caramels, en voulez-vous ?
– Je
suis passée devant cette boutique il y a une minute à peine et vous ne vous y
trouviez pas, riposta Angelia sans prendre garde au paquet qu’il lui tendait.
– Vous
aurez mal vu, fit Walter, les yeux écarquillés en une expression de parfaite
innocence.
La jeune femme le
contempla sans mot dire.
– Ne
vous éloignez plus, Mr. Crane, dit-elle enfin d’une voix sourde. Vous pourriez
le regretter.
La
menace était à peine voilée, et Walter sentit une araignée d’angoisse courir
sur sa nuque. Mais déjà Angelia faisait volte-face. Elle fit quelques pas avant
de s’immobiliser de nouveau et de se retourner vers Walter, dont le cœur manqua
un battement.
– Et pour l’amour du ciel,
lança-t-elle d’un ton sec, donnez-moi ces caramels. Vous avez l’air
parfaitement ridicule avec.
*
L’après-midi
touchait à sa fin lorsque Angelia, ravie de sa journée, acheva enfin ses
courses. Walter était très loin de partager son enthousiasme. Il détestait à
peu près autant la foule que les magasins, et l’association des deux avait
transformé les dernières heures en un véritable supplice chinois. Angelia
l’avait d’abord traîné aux numéros 26 et 27 de l’arcade, chez Madame
Parsons, boutique réputée pour ses couvre-chefs et dont elle
était ressortie avec pas moins de cinq chapeaux absolument hors de prix. À
Walter qui se scandalisait que ces ridicules assemblages d’oiseaux, de fruits,
de fleurs, de plumes, de gaze, de rubans et de dentelles puissent coûter aussi
chers, Angelia avait rétorqué avec une condescendance affligée :
– Mais c’est parce qu’ils
viennent de Paris, voyons.
Walter
n’avait pas cherché à discuter ; il était déjà trop épuisé pour cela. Du
reste, le prix des chapeaux n’était rien en comparaison de celui des robes que
s’acheta Angelia. Les billets de banque qu’elle avait récupérés le matin dans
ses coffres disparaissaient à une vitesse folle entre les mains des vendeurs,
et Walter renonça bientôt à compter. Son calvaire n’était pas terminé
toutefois, car Angelia eut naturellement besoin pour compléter sa panoplie de
femme du monde de chaussures, parfums, éventails, sacs, maquillage et autres
accessoires essentiels à ses yeux mais hautement dispensables à ceux de Walter.
– Ne
vouliez-vous pas retrouver quelqu’un ? avait-il fini par demander en
désespoir de cause. Il se fait tard, la nuit va bientôt tomber.
– Il
nous attendra, avait lancé gaiement Angelia, très occupée à comparer deux
paires de gants rouges. Laquelle préférez-vous ?
– Je
ne vois aucune différence entre elles, avait marmotté Walter, ce qui lui avait
valu un coup d’œil furibond.
Du
moins avait-il compris, à présent qu’il croulait sous les sacs et les boîtes,
pourquoi la jeune femme avait tant insisté pour l’emmener avec elle. Excédé et
fourbu, il fut sur le point de jeter les marchandises aux quatre vents et de se
coucher sur le sol de la galerie pour ne plus se relever, Angelia dût-elle le
frapper avec l’ombrelle qu’elle venait d’acquérir jusqu’à ce que mort
s’ensuive. Heureusement pour lui, ce fut ce moment qu’elle choisit pour
décréter les emplettes terminées.
Au
grand soulagement de Walter, ils regagnèrent le fiacre dans lequel il put enfin
se décharger de son
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