Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
sur un lit de fortune.
Megan se retourna vers
l’escalier et tendit l’oreille, mais aucun bruit ne lui parvint. Les étages
étaient déserts : Cassandra se trouvait au salon et les domestiques
vaquaient à leurs tâches au sous-sol de la maison. Personne ne risquait donc de
venir les déranger. Rassurée, Megan pénétra dans le grenier et referma la
porte.
– C’est moi,
chuchota-t-elle en direction du lit. Êtes-vous réveillé ?
Pas de réponse. Megan
prit la veilleuse et s’approcha silencieusement de la silhouette immobile.
La
lumière de la lampe tomba sur un visage balafré et couvert d’ecchymoses, que
dissimulait en partie une barbe de plusieurs jours. Megan contempla Nicholas
assoupi. Le soir où elle avait été poursuivie par les hommes masqués, il
l’avait raccompagnée chez elle avant de disparaître, et elle avait cru ne
jamais le revoir. Mais moins d’une heure après, alors qu’elle était couchée et
tentait en vain de trouver le sommeil, des gravillons avaient été jetés contre
sa fenêtre. Elle avait regardé dans la rue à travers l’interstice des rideaux
et aperçu au pied du réverbère Nicholas ensanglanté. Aussitôt, elle était
descendue le chercher et l’avait installé dans le grenier à l’insu des autres
habitants de la maison. Nul n’y venait jamais et elle savait qu’il y serait
bien caché.
Megan
avait la vue du sang en horreur, mais en digne petite-fille, fille et sœur de
médecin, elle prit sur elle et s’évertua à soigner les multiples plaies de
Nicholas. Même si par la suite il refusa de raconter ce qui lui était arrivé,
il ne faisait aucun doute qu’il avait été sauvagement battu. Étaient-ce les
poursuivants de Megan, ces mystérieux « Chevaliers », qui l’avaient
retrouvé et puni pour leur avoir subtilisé leur proie ?
Nicholas
gémit dans son sommeil et Megan se pencha vers lui avec inquiétude. Il mettait
du temps à se rétablir, beaucoup trop de temps. Megan approcha sa main de
l’épaule de Nicholas, effleura sa peau brûlante et entreprit de retirer une des
compresses qui la couvraient. Un morceau de peau sanguinolente se décolla et
vint avec le tissu. Megan retint un cri.
– Mon Dieu…
À
cet instant, Nicholas ouvrit les yeux. Il lui adressa un sourire ironique.
– Vous
paraissez bien affligée, j’espère que je ne suis pas cause de votre chagrin.
– Vos
blessures ne cicatrisent pas, murmura Megan, vous devez voir un médecin.
– Ce n’est pas nécessaire,
j’ai juste besoin d’un peu de temps.
Chaque mot paraissait
lui coûter un effort démesuré, et ses tempes luisaient de sueur.
– J’ai soif, dit-il
encore.
Megan
remplit un verre à la carafe d’eau fraîche qu’elle avait apportée et aida
Nicholas à s’asseoir. Il but à longs traits, avidement, puis se rallongea et
ramena les couvertures sur lui.
– Il
me semble avoir entendu la voix de Cassandra. Serait-elle rentrée ?
Le front de Megan se
plissa sous l’effet de la contrariété.
– Elle
est en effet revenue hier, répondit-elle d’un ton un peu trop sec, mais mieux
vaudrait pour vous qu’elle continue d’ignorer votre présence dans cette maison.
Nicholas
ferma les yeux et ne tarda pas à se rendormir. Megan demeura encore une longue
minute à le contempler, avant de quitter le grenier en refermant sans bruit la
porte derrière elle. Elle atteignait le palier du premier étage quand un
chapelet de coups frappé à la porte d’entrée résonna dans toute la maison.
Megan entendit le valet aller ouvrir, puis une voix féminine, douce et suave,
qui lui était inconnue. Intriguée, elle se pencha par-dessus la rampe pour
mieux voir.
La
visiteuse était vêtue d’un tissu brillant et moiré, un rose pâle veiné de
blanc, coupé bas pour dévoiler ses épaules. Elle portait une petite capeline de
satin assortie qu’elle confia au domestique avec son manteau. Megan put alors
la détailler à loisir, notant ses grands yeux mordorés, l’éclat de sa
chevelure, la finesse de sa taille.
Prévenue
par le valet, Cassandra surgit dans le hall, l’air à la fois stupéfait et
contrarié. Les deux femmes échangèrent quelques mots que Megan ne comprit pas.
Cassandra, qui s’exprimait d’une voix contenue, paraissait en colère ; à
l’inverse, l’inconnue donnait une impression de parfaite sérénité. Mais Megan
n’eut pas l’occasion d’en apprendre davantage, car les deux femmes disparurent
dans le
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