Le livre du cercle
dans les yeux.
Les paroles d’Elwen lui revinrent en mémoire : il finira par reconnaître que
tu as droit au manteau . Environ un mois plus tôt, la dernière fois
qu’Everard avait refusé d’évoquer son initiation, Will s’était promis une chose
: avant que l’année s’achève, il partirait pour la Terre sainte. Il savait que
son père se trouvait à Safed. Si seulement il était initié dans les mois qui
venaient, il pourrait demander un transfert. Will caressa le pommeau arrondi de
son fauchon. Cela faisait bien trop longtemps qu’il était calme.
Près
du collège dominicain, il entra dans une ruelle étroite où se trouvait la
boutique du parcheminier. Un homme surgit soudainement d’une auberge sur le
côté et vint percuter Will. Dans la collision, sa chope de bière lui échappa
des mains et son contenu se déversa sur son torse.
— Nom
d’un chien ! s’exclama-t-il.
— Désolé,
dit Will en reculant d’un pas et en s’apercevant, à la croix blanche brodée sur
son surcot, que l’homme était un chevalier de Saint-Jean, un Hospitalier. Je ne
vous avais pas vu.
— Pas
vu ? répéta le chevalier d’une voix rogue en essayant sans y parvenir d’essuyer
son surcot dégoulinant de bière. Tu es aveugle ?
— Je
viens de vous le dire, je suis désolé.
Will
voulut reprendre son chemin mais le chevalier le retint par le bras.
— Et
tu crois t’en tirer comme ça ?
Il
ricana en remarquant la tunique de Will.
— Un
Templier, hein ?
A
son haleine fétide et à son regard tombant, Will comprit qu’il n’en était pas à
sa première bière de la journée.
— Et
qu’est-ce que tu comptes faire à ce sujet? demanda-t-il en brandissant sa
cruche vide.
Will
fit un mouvement pour se débarrasser de la main du chevalier.
— Je
me suis excusé, je ne vois aucune raison de faire davantage.
— Qu’est-ce
qui se passe, Rasequin ?
Will
se retourna et vit quatre chevaliers sortir de la taverne et s’approcher, une
cruche à la main. Ils avaient l’air encore plus saouls que leur compagnon.
L’Hospitalier tourna la tête et leur désigna Will d’un geste.
— Cet
avorton du Temple renverse ma bière et il croit pouvoir partir sans la
rembourser.
— Excuse-toi
! exigea l’un des chevaliers, un jeune homme boutonneux qui avait peut-être un
an de plus que Will.
— C’est
déjà fait, dit Will, la mâchoire contractée. Et si votre camarade n’était pas
un tel âne, il aurait accepté mes excuses.
— Espèce
de petit... bredouilla Rasequin, lâchant sa cruche et empoignant son épée.
Ses
compagnons s’avancèrent tandis qu’il essayait tant bien que mal de sortir sa
lame de son fourreau.
— Laisse
ce gamin tranquille, Rasequin, dit l’un d’eux, qui avait l’air d’être le plus
âgé de la bande. Ce n’est qu’un sergent.
Will
rougit et posa la main sur la poignée de son fauchon.
— Allez,
ne fais pas d’histoires, Rasequin, reprit le chevalier le plus vieux. Je t’en
paierai une autre.
— Très
bien, dit Rasequin qui avait finalement réussi à libérer son arme.
Il
vacillait d’un pied sur l’autre.
— Mais
d’abord, je donne une leçon à ce nabot !
Il
tituba en direction de Will, qui tira son fauchon.
— Un
instant, dit l’aîné à l’intention de Will, laisse-moi m’en occuper.
Puis
il posa avec autorité sa main sur l’épaule de Rasequin.
— C’est
fini, frère ! lui ordonna-t-il.
Le
chevalier boutonneux pointa du doigt l’épée de Will.
— Regardez-moi
cette épée ! dit-il en ricanant. Ça doit être une antiquité !
Mais
il cessa de ricaner quand Will leva l’épée et allongea le bras. Trois d’entre
eux reculèrent. La pointe du fauchon était orientée en direction de la gorge de
leur camarade. Will ne voyait plus rien que le visage de l’homme en face de
lui. Toute la frustration qu’il avait accumulée semblait jaillir d’un coup et
l’aveugler.
— Allez,
hurla-t-il à Rasequin, les lèvres à demi retroussées en une grimace qui lui
déformait le visage, viens te battre !
Trop
saoul pour être impressionné par la fureur qui se lisait dans le regard de
Will, Rasequin leva son épée.
— Arrêtez
! Que Dieu te damne, lança l’aîné des chevaliers à Will qui s’avançait toujours,
prêt à frapper.
Une
main ferme agrippa soudain Will par l’épaule. Il se retourna pour affronter son
assaillant mais il constata que c’était un Templier qui le retenait.
— Dans
un instant, sergent, dit le
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