Le loup des plaines
leur
position. Il pria le père ciel de lui accorder son aide en provoquant quelques
moments de confusion puis il banda son arc et lança sa flèche vers l’endroit où
Tolui devait se trouver.
Le colosse entendit la flèche dans l’intervalle de temps qu’il
lui fallut pour traverser le feuillage. Il poussa un cri de douleur lorsque le
trait l’atteignit, lui causant une longue éraflure à l’avant-bras, vit une
forme filer entre les arbres et tira en espérant un coup heureux. Le projectile
se perdit dans les épais fourrés et la colère de Tolui prit le pas sur sa
prudence.
— Sus ! cria-t-il à Basan, qui s’élançait déjà.
Ils coururent ensemble vers la droite de la barrière, s’efforçant
de ne pas perdre de vue la silhouette en fuite tout en cherchant une brèche
entre les ronciers.
Quand ils en eurent trouvé une, Tolui s’y rua sans hésiter, Basan
restant un peu en arrière au cas où la fuite ne serait qu’une feinte. Tolui
grimpait rapidement, Basan pressait l’allure pour ne pas se laisser distancer
sur le flanc de la colline. Ils pouvaient voir que le jeune homme avait
toujours son arc et se sentaient tous deux excités par la chasse. Forts et bien
nourris, sûr d’eux-mêmes, ils se faufilèrent entre des buissons dont les
branches les fouettaient au passage. La silhouette ne fit pas halte pour regarder
derrière elle et attaqua un sentier menant à des fourrés plus épais.
Tolui était haletant, Basan cramoisi, mais tous deux
dégainèrent leur sabre et poursuivirent l’ascension.
Kachium leva les yeux quand une ombre tomba sur son visage. Ses
doigts cherchèrent à tâtons son couteau avant qu’il reconnaisse son frère.
— Temüdjin nous fait gagner un peu de temps, dit Khasar.
À travers les arbres, il regarda les deux guerriers qui
gravissaient la pente. Les bouleaux et les pins n’en couvraient que la moitié
et Temüdjin se retrouverait à découvert avant de pouvoir redescendre par l’autre
versant. Les deux frères ignoraient si leur aîné parviendrait à échapper à ses
poursuivants et ils étaient à la fois surpris et soulagés que les hommes d’Eeluk
se désintéressent d’eux.
— Et maintenant ? dit Khasar, presque pour
lui-même.
Kachium fit un effort pour se concentrer malgré la douleur qui
le tourmentait, telle une créature dévorant la chair de sa jambe. Il avait des
moments de vertige et devait lutter pour garder connaissance.
— Maintenant, nous enlevons cette flèche, répondit-il, grimaçant
à l’avance.
Ils l’avaient tous deux vu faire sur des hommes revenant d’une
chasse aux pillards. Sa blessure paraissait propre et le flot de sang s’était
réduit à un filet. Khasar ramassa une poignée de feuilles et les fourra dans la
bouche de son frère pour qu’il les morde. Il saisit ensuite la tige de la
flèche et tira. Kachium roula des yeux et, malgré lui, un gémissement s’échappa
de ses lèvres. Khasar lui plaqua une main sur la bouche pour le faire taire
puis, avec des mouvements précis, il découpa des bandes de tissu dans sa
ceinture et pansa la plaie.
— Appuie-toi sur mon épaule, dit-il en aidant son frère
à se lever.
Kachium avait l’air hébété quand il recracha les feuilles
humides mais Khasar ne l’interrogea pas moins du regard pour savoir ce qu’ils
devaient faire maintenant.
— Ils reviendront, bredouilla Kachium. Ils amèneront
les autres avec eux. Si nous faisons vite, nous réussirons à gagner l’autre
camp avec les chevaux.
Khasar aida son frère à monter sur le cheval de Tolui et lui
mit la bride dans la main avant de courir vers l’endroit où leur mère était
cachée avec les autres enfants. C’était Temüdjin qui avait préparé ce refuge et
Khasar lui fut reconnaissant de sa prévoyance. Il était cependant mortifié à l’idée
de retourner dans la ravine sombre où ils avaient passé leurs premières nuits
de solitude. Temüdjin avait insisté pour qu’ils y plantent une petite tente, mais
jamais ils n’auraient imaginé qu’elle leur serait utile un jour. Ils se
retrouveraient de nouveau seuls, et traqués.
En courant, il pria pour que Temüdjin parvienne à semer ses
poursuivants et à rejoindre sa famille. Il saurait, lui, ce qu’il fallait faire.
L’idée que son frère aîné pût ne pas survivre était trop effroyable pour qu’il
l’envisage plus longtemps.
Temüdjin courut jusqu’à ce que ses jambes flageolent et que
sa tête se mette à
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