Le loup des plaines
aussitôt.
Elle les rejoignit, plissa les yeux pour voir qui approchait
au loin mais son regard n’était pas aussi perçant que celui de ses fils.
— Trois seulement, annonça Kachium, sûr de lui. Nous
fuyons ?
— Tu t’es préparé à cela, Temüdjin, dit Hoelun d’une
voix douce. Le choix t’appartient.
Temüdjin sentit tous les regards sur lui. Encore exalté par
les propos qu’il venait d’échanger avec ses frères, il avait envie de cracher
dans le vent et de défier les nouveaux venus. La famille de Yesugei ne se
laisserait pas effrayer, pas après ce qu’elle avait subi. Il prit une longue
inspiration et réfléchit. Les cavaliers pouvaient être l’avant-garde d’un
groupe plus nombreux, ou trois cavaliers venus incendier, violer et tuer. Il
prit sa décision.
— Réfugiez-vous dans le bois. Prenez les arcs et tout
ce que vous pourrez emporter. S’ils viennent pour piller, nous les éventrerons,
je le jure.
La famille réagit rapidement. Hoelun disparut à l’intérieur
de la tente, en ressortit avec Temülen à sa hanche et Temüge trottant à son
côté. Son fils cadet avait perdu ses rondeurs de bambin pendant les années
difficiles mais il lançait encore des regards apeurés derrière lui tandis qu’il
suivait sa mère en trébuchant.
Temüdjin rejoignit Khasar et Kachium qui avaient pris arcs
et flèches. Hissant un sac sur leur dos, ils coururent en direction des arbres.
Ils entendirent les cavaliers crier derrière eux en les voyant s’enfuir, mais
ils seraient en sécurité dans le bois. Parvenu à la ligne des arbres, Temüdjin
s’arrêta, pantelant, regarda derrière lui. Qui que soient ces hommes, il les
haïssait parce qu’ils l’obligeaient à fuir alors qu’il avait juré qu’il ne
fuirait plus jamais devant personne.
15
Les trois guerriers pénétrèrent prudemment à cheval dans le
petit camp, remarquèrent la fumée qui montait encore de l’une des yourtes. Ils
entendirent les bêlements des chèvres et des moutons. La matinée était
cependant étrangement silencieuse et ils sentaient sur eux des regards
invisibles.
Les tentes et le corral branlant étaient installés près d’un
ruisseau, au pied d’une colline boisée. Tolui avait vu des silhouettes courir
vers les arbres et quand il descendit de cheval, il veilla à ce que le corps de
sa monture le protège d’une flèche. Sous leurs deels, Basan et Unegen
portaient une cuirasse semblable à la sienne qui protégerait leur poitrine et
leur donnerait un avantage même dans un assaut direct.
Penché derrière l’encolure de son cheval, il fit signe aux
autres : pour éviter d’être pris à revers, ils devaient fouiller les
yourtes avant de se diriger vers le bois. Basan hocha la tête, mena sa jument
dans l’ombre d’une tente et, dissimulé derrière, se baissa pour entrer. Tandis
qu’il inspectait l’intérieur, Tolui et Unegen scrutaient l’orée du bois. Une
épaisse barrière de buissons liée aux troncs par des ronces contraignait tout
poursuivant à descendre de cheval. Ceux qui vivaient là s’attendaient à une
attaque et avaient bien choisi leur terrain. Pour atteindre les arbres, les
guerriers devaient parcourir trente pas à découvert et si les fils de Yesugei
étaient tapis dans le bois avec des arcs, l’embuscade pouvait être sanglante.
Le front plissé, Tolui considéra la situation. Il ne doutait
plus que les silhouettes qu’il avait vues détaler étaient ces gamins que la
tribu avait abandonnés des années plus tôt. Les quelques familles isolées qui
vivaient pauvrement dans la steppe n’auraient pas préparé aussi minutieusement
leur défense. Il tendit la corde de son arc sans quitter un instant des yeux
les fourrés sombres qui pouvaient cacher une armée. Il aurait pu partir et
revenir avec assez d’hommes pour débusquer les fuyards, mais Eeluk, qui n’aurait
pas vu les barrières de ronces, aurait pensé que Tolui avait perdu son
sang-froid. Ne voulant pas que son khan ait cette opinion de lui, il se prépara
à se battre. Sa respiration prit le rythme court qui accélérait les battements
de son cœur et accumulait en lui de l’énergie. Basan entra dans la seconde
yourte, en ressortit en secouant la tête.
Tolui ferma le poing puis tendit trois doigts dont il fendit
brusquement l’air. Basan et Unegen firent signe qu’ils avaient compris. Ils
encordèrent aussi leur arc et attendirent. Tolui se sentait fort. Il savait que
seule une flèche
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