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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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levant, elle s’inclina :
    — Merci, Monseigneur, de m’avoir sauvé la vie. (Puis d’une voix hachée, encore mal remise de ses émotions, Isabeau raconta l’histoire qu’elle avait eue le temps d’élaborer pendant ses longues chevauchées.) J’ai reçu Luis comme nom de baptême. Je suis le troisième fils d’une honorable famille de Cadix, les Da Silva, et je rejoins les troupes de la reine Isabelle et du roi Ferdinand qui font le siège de Grenade.
    Mélange de vérité et de mensonge. Il existait bien une famille de ce nom à Cadix. Le reste était pure invention.
    Son interlocuteur approuva d’un hochement de tête :
    — Aurais-tu par hasard croisé une jeune fille rousse qui se dirige elle aussi vers Grenade ? Il se pourrait qu’elle voyage en compagnie d’un mercenaire.
    Myrin et Pedro. Elle ne s’était pas trompée. Surprise d’avoir de leurs nouvelles d’une façon aussi étrange, Isabeau faillit se trahir. Pour expliquer son sursaut, elle prit un air consterné :
    — Hier, à Ronda, j’ai vu un couple de détrousseurs qui correspond à votre description. La femme était rousse, mais l’homme n’avait pas l’air d’un mercenaire. C’était un Maure.
    Son histoire était plausible. Les voleurs qui écumaient les foires et les marchés agissaient souvent par deux. La fille aguichait le badaud pendant que l’homme lui volait sa bourse. Un silence accueillit sa réponse pourtant banale. Koldo réfléchissait. Malgré le masque qui dissimulait son visage et ses sentiments, Isabeau savait qu’il lui ferait confiance. Ne venait-il pas de la sauver d’une mort certaine ?
    — Merci. La femme est une sorcière juive très dangereuse. Si tu la croises, préviens les hermandades les plus proches. Que les gens d’armes s’en saisissent et l’emprisonnent, mais ne lui fassent pas de mal. La Sainte Inquisition la veut vivante. Adieu, jeune Luis, que le Seigneur t’accompagne.
    En entendant ces mots, elle se signa avec ostentation. Les trois sbires de l’Inquisition tournèrent les talons et s’en allèrent vers le sud, la laissant seule.
    La peur lui faucha les jambes. Nauséeuse, elle fut obligée de se rasseoir. Elle l’avait échappé belle. Il lui fallut un long moment pour réaliser qu’elle était sortie d’affaire. Mais un danger terrible menaçait ses amis. La Santa Hermandad avait été créée bien avant sa naissance aux Cortes de Madrigal pour lutter contre le banditisme, véritable fléau qui ravageait les campagnes. Le Royaume avait été divisé en districts et chaque cité devait fournir des troupes ; regroupées en quadrillas , elles pouvaient agir dans les villes ou se déplacer dans les campagnes. À partir de trente habitants, chaque village devait fournir deux quadrilleros , l’un choisi parmi les nobles ou les bourgeois, l’autre parmi les roturiers.
    Quand les membres de cette police d’État pourchassaient un criminel, ils faisaient sonner les cloches dans toutes les paroisses où ils passaient afin de recevoir l’aide de la population. Malheureusement, cette sainte fraternité avait désormais obligation de prêter main-forte à l’Inquisition, et personne n’avait le courage ou la volonté de s’y opposer. Si leur proie se réfugiait dans un sanctuaire, religieux ou privé, et que l’on refusât de la livrer, les gens d’armes avaient ordre de prendre le bâtiment en question et de le raser. Une fois le fugitif repris, la Santa Hermandad appliquait son propre code pénal, avec des sanctions proportionnées aux fautes. Cela allait de la simple amende aux supplices corporels, aux amputations ou à la mort lente sous la torture.
    Pensive, elle sortit dans la cour et grignota quelques figues. Après avoir rempli sa gourde d’eau fraîche, elle laissa sa jument s’abreuver, puis l’enfourcha, bien décidée à retrouver Myrin et Pedro au couvent de Santo Domingo. Ses amis n’avaient que quelques heures d’avance, mais elle savait comment les rattraper.
    Somnolente sur sa selle, accablée par un soleil de plomb, Isabeau cheminait lentement sur des sentiers muletiers à flanc de collines. Le soleil était à son zénith quand elle aperçut, en haut d’un piton rocheux, la cité blanche d’Olvera, célèbre repaire de contrebandiers qu’il valait mieux éviter. Les grottes percées dans les parois verticales abritaient des hordes de brigands regroupés en clans. Ces bandes sanguinaires sillonnaient les royaumes d’Espagne, allant jusque

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