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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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Alors de son poing gauche, la guérisseuse frappa un grand coup dans l’énorme estomac de la furie, qui sous le choc se plia en deux et lâcha sa prisonnière. Dans la bagarre, le foulard qui dissimulait les cheveux de Myrin se détacha, libérant ses boucles flamboyantes. Une clameur horrifiée s’éleva de la foule ;
    — Une sorcière rousse !
    — Les flammes de l’enfer !
    — La putain du diable !
    Le désespoir envahit Myrin. À ses côtés, recroquevillée sur elle-même, Yasmin gémissait comme un chiot perdu.
    En entendant les accusations des servantes, le grand d’Espagne revint sur ses pas et se décida à intervenir. À grands coups de fouet, il se fraya un passage dans la foule.
    — Holà, que se passe-t-il ici ?
    Parvenu au centre du cercle formé par les badauds, il regarda d’un œil glacial les deux accusées, puis les lavandières avant de prendre la plus maigre à partie.
    — De quoi accuses-tu ces jeunes filles ?
    — La moricaude nous a ensorcelées.
    Il haussa les sourcils d’un air surpris :
    — Qu’a-t-elle fait ? Tu sembles normale.
    — J’vous dis qu’elle m’a jeté un sort, et pas qu’à moi.
    L’inconnu l’examina attentivement, fit le tour de sa personne, jeta un regard perplexe sur ses comparses, plissa les yeux dans un effort de compréhension, puis son visage s’éclaira d’un sourire taquin :
    — C’est elle qui t’a transformé en planche à pain ?
    Quelques gloussements accueillirent sa plaisanterie. Il se tourna alors vers la lavandière rubiconde qui, les mains sur l’estomac, se dandinait sur place comme une oie trop grasse.
    — Et toi je suppose qu’elle t’a… engrossée ?
    Un éclat de rire général fusa.
    Oubliant toute retenue, la dénommée Carmen s’écria :
    — Elle nous a enfumées avec une odeur de rose.
    — Alors là, je ne sais plus quoi dire, persifla l’hidalgo. Il est vrai que vous trois n’avez pas dû souvent sentir la rose.
    Passionnée par cet échange, la foule s’était tue pour écouter, ravie, les moqueries du grand d’Espagne.
    Sentant que les lavandières avaient perdu l’oreille bienveillante des badauds, Myrin sortit de sa poche la fiole qu’elle venait d’acheter, la brandit pour attirer l’attention, puis elle la fracassa contre un gros caillou. Un parfum reconnaissable entre tous se répandit dans l’atmosphère, avec les mêmes effets que l’haleine parfumée de Yasmin : les gens se regardèrent en souriant d’un air entendu, échangèrent quelques railleries sur la bêtise des commères, puis s’en allèrent vaquer à leurs occupations. La récréation était terminée.
    Piteuses, les accusatrices s’esquivèrent, l’oreille basse et la mine morose.
    En quelques minutes, les Douées se retrouvèrent seules. Myrin chercha du regard l’homme qui les avait tirées d’affaire mais il avait disparu. Elle ne l’en remercia pas moins mentalement. Si la situation avait empiré…
     
    Quand Myrin, suivie d’une Yasmin taciturne, pénétra dans la tente, Pedro les attendait avec impatience.
    — Où étiez-vous passées ? Je commençais à me faire du souci.
    L’adolescente s’éclipsa pour étendre le linge mouillé sur l’herbe jaunie par le soleil. Sa conduite était tellement inhabituelle, que le soldat interrogea Myrin du regard.
    Celle-ci avait d’abord décidé de passer sous silence la conduite de la jeune magicienne, mais en pensant aux conséquences, elle changea d’avis et rapporta leurs mésaventures.
    — Si cet hidalgo n’était pas intervenu, nous n’avions aucune chance d’échapper aux griffes de l’Inquisition. J’espère que ces trois harpies ne sont pas allées nous dénoncer.
    — Si tel était le cas, nous serions déjà arrêtés.
    Préférant changer de sujet, elle conclut :
    — La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’entrer dans Grenade !
    — De ce côté-là, il n’y aura en effet aucune difficulté. Je connais le chemin emprunté par Pulgar. Nous avons un problème plus sérieux. En votre absence, un messager est venu nous porter une invitation pour la veillée royale. Notre souveraine veut faire notre connaissance.
    Alarmée, la guérisseuse s’exclama :
    — Cet ordre ne me plaît pas. Pourquoi veut-elle nous voir ?
    — Je l’ignore, mais voyez plutôt le bon côté de la situation. Vous allez avoir la chance incroyable d’être reçue à la Cour et de contempler la reine. Le rêve de toutes les demoiselles de ce

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