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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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vous attendions pas avant cet après-midi au moins.
    — Ce n’est rien.
    — Prenez quand même le temps de vous reposer.
    — Inutile. C’est déjà fait. Montrez-moi ce qu’il faut que je fasse.
    — D’accord, puisque vous insistez. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre… Tenez, c’est ce grand mur-là. J’y vois déjà mes livres, tous bien empilés (119) en ordre sur de belles tablettes cirées. Et, dans ce coin, mes instruments et mes encres. Nous pourrions en outre prévoir un espace plus grand entre l’étagère du bas et le plancher pour que je puisse y glisser mon coffre, sur lequel, en principe, il n’y aura plus rien.
    — Oui, c’est faisable. J’ai conservé des retailles de bonnes planches qui ont servi à la restauration du moulin. Il faut des équerres et des chevilles. Je m’en vais chercher mes outils et je m’y mets tout à l’heure.
    — Grand merci, mon fils. J’aimerais bien pouvoir vous aider. Mais je crains fort de vous être plus nuisible qu’utile. Quant à mes doigts, ils sont dix et moi je suis seul. Vous comprendrez que j’aimerais conserver ces doigts dans leur intégrité.
    Au début de l’après-midi, après un dîner avalé en vitesse, Louis monta à l’étage ses chargements d’équerres, un seau de chevilles neuves, de même que ses outils, et il se mit au travail sous l’égide du père Lionel.
    — Depuis le temps que tous ces bocaux de pigments, ces livres et le reste traînaient dans ou sur des caisses que j’empilais un peu n’importe comment autour de ma natte, cela me procure une drôle d’impression de savoir qu’ils seront bientôt rangés. Je crois bien que l’ancien fouillis finira par me manquer.
    Louis prit les dimensions du mur à l’aide de son avant-bras. Il fit d’autres mesures à la verticale pour déterminer à quelle hauteur il pouvait se permettre de poser la tablette du haut.
    — N’oubliez pas que vous êtes plus grand que moi, dit Lionel.
    — Je sais ça. Je suis plus grand que tout le monde.
    — Que d’orgueil.
    Louis fit une pause pour le regarder.
    — C’est une blague, dit Lionel.
    — Ouais. Je reviens.
    L’aumônier erra un moment à travers sa chambre. Il retrouva, coincée derrière un bloc de pigments bruts, la coquille blanche qu’il avait rapportée de Compostelle. Il l’emporta et s’en alla ouvrir ses volets. En bas, il aperçut Louis qui mesurait avec le bras un long bout de planche installé dans la cour sur deux escabeaux. Il travaillait vite et efficacement, sans se douter qu’il était affectueusement observé.
    — Aussi revêche qu’un oursin, mais serviable comme on n’en voit guère, dit Lionel pour lui-même.
    Une fois le métayer de retour dans la chambrette avec son fardeau encombrant, Lionel dut se pousser contre le mur opposé afin de lui ménager un espace suffisant pour manœuvrer. Toujours sans cesser de le regarder à l’œuvre, le moine dit :
    — Vous ne vous en doutez probablement pas, mais vous êtes en train de m’édifier un monde. J’ai en effet ici amplement de quoi suffire à la vie des hommes. Comme l’exprime si bien la sagesse ancienne, la lettre pour enseigner les faits, l’allégorie pour ce qu’il faut croire, la morale pour ce qu’il faut faire, et l’anagogie pour ce à quoi il faut tendre.
    — Trop compliqué pour moi. Passez-moi le marteau, là. Lionel lui remit le marteau en bois et dit, à brûle-pourpoint :
    — Votre mère aimait à flâner dans la bibliothèque de l’abbaye, même si elle ne savait pas lire. Elle s’y plaisait. Mon abbé l’estimait. Il lui avait permis d’y aller. Il en disait beaucoup de bien. Elle lui semblait une femme bonne et intègre comme il en existe, hélas, trop peu. Vous l’aimiez beaucoup, vous aussi, n’est-ce pas ?
    Le regard de Lionel était franc et sa question, d’allure délibérément innocente.
    — C’était ma mère, dit Louis, qui s’apprêtait à cheviller l’extrémité d’une équerre au mur dans lequel il avait foré un trou.
    La première cheville et le marteau de bois attendaient toujours dans sa main. Lionel reprit :
    — Bien entendu, les liens familiaux ne se discutent pas. Pourtant, si ! Moi, je n’ai pas aimé mes parents. Aujourd’hui, des années après leur trépas, je crois bien que je les méprise encore. Pouvez-vous me comprendre ?
    — Je ne sais pas.
    Il scella ses lèvres en y emprisonnant une seconde cheville plus petite.
    — En tant

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