Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
Vom Netzwerk:
s’ouvre, l’ombre des arbres dans la rivière
embrumée s’étale comme de la fumée tandis qu’en l’air...
    Montespan
s’endort.

 
30.
     
     
    Le lendemain
dès l’aube, le cocher pousse de grands cris dans les brumes matinales de ce
jour d’octobre et le carrosse repart sur les chemins défoncés. Le hennissement
des chevaux, leur souffle volcanique de vapeur, le bruit fracassant des sabots
et les roues ferrées qui projettent des gerbes d’étincelles, des lueurs de
forge, quand elles heurtent les pierres du chemin.
    Une main
cramponnée au cordon de cuir du plafond, Montespan donne malgré lui des coups
d’épaule contre la portière et craint que la berline, à force d’embardées, ne
vienne à verser. Souvent Louis-Antoine lévite au-dessus de la banquette. Ah,
les cruels cahots de cette route ! Le carrosse peine à gravir une côte
malgré les jurons et les claquements de fouet. Montespan descend pousser à la
roue et regarde le ciel :
    — Tiens,
le temps devient tout triste et tourne à la pluie.
    Les pistes
poussiéreuses sous le soleil deviennent de véritables cloaques quand il pleut.
Pour passer dans ce lieu bourbeux il faudrait jeter des passerelles de joncs
recouverts de planches, alors le noir carrosse cornu passe à travers un champ à
la fureur de paysans. Ce pont céderait sous le poids du véhicule. Pour
traverser le cours d’eau, on utilise le bac. En empruntant les routes royales,
on ne parcourt pas plus de douze lieues par jour. La voiture de Montespan
renverse. Il faut de longues heures de réparation, puis elle s’embourbe. Il
faut aller chercher des bœufs pour se tirer d’affaire.
    — Le
fâcheux et cruel carrosse qui, des plus sains et des plus forts, précipite la
sépulture..., soupire le marquis quand casse un essieu du véhicule.
    On doit en
mettre un autre. Ça leur prendra donc plus de trois heures. Heureusement que,
pas loin, se trouve un relais de poste possédant une dizaine de chevaux en
réserve et un maréchal-ferrant.

 
31.
     
     

    Le carrosse
cornu stationne devant l’estrade d’un gros bourg où un noble à genoux sera
décapité. Le bourreau derrière lui lève l’épée. Il vise la nuque. Il ne lui
faudra pas frapper dans les épaules, le coup serait à recommencer, ni dans le
crâne (tous autour se retrouveraient éclaboussés de cervelle). L’idéal serait
entre deux vertèbres  – pop ! La tête qui s’envole, c’est simple
comme un dessin d’enfant.
    Pour
récompenser ses élèves d’avoir bien travaillé, un professeur les a conviés au
sacrifice du condamné. L’exécuteur des hautes œuvres tient toujours son épée en
l’air. Plus rien ne manque à ce mariage mortel entre le bourreau et sa victime
que de battre le tambour. Un élan de baguettes roule sur une peau tendue. Un
troisième homme sur l’estrade  – magistrat en robe  – prend la
parole, parle de lèse-majesté qui aurait blessé l’honneur du roi et, à voix
haute, lit la proclamation des autorités. Les épaules du bourreau pivotent sur
la droite pour lancer le mouvement de la lame. Louis-Henri rabat le rideau de
cuir au fenestron du carrosse. Dans une relative obscurité et près de son fils,
il entend le fer siffler à travers l’azur et « pop » ! Au
silence qui suit, il sent la foule prête à applaudir. Le peuple sera toujours
amoureux de la poigne qui mate et du fouet abrutissant. Le buste, sans doute
resté crispé, s’affaisse dans un son de bouse. Montespan a un rictus aux
lèvres :
    — Et
voilà, c’était un homme. Ses parents seront bannis du royaume, ses terres
confisquées, sa demeure incendiée et son nom ne pourra plus être porté par
aucun de ses enfants. Il n’a jamais existé.
    La place se
libère. Le carrosse cornu ondule quand le cocher remonte sur son strapontin
— Hue ! - puis reprend la route. Louis-Henri lève le rideau de cuir
tandis que son fils (pas plus ému que ça par l’événement) déclare :
    — Il faut
toujours bien écouter le roi et se soumettre à chacun de ses désirs. Maman l’a
dit.
    Montespan, qui
imagine ce que peuvent être les désirs du roi pour sa femme, grimace. Dans une
taverne tapissée de toiles d’araignée, la serveuse, pas sage en son rauque
patois, apporte du potage et verse du jus de mouton sur du hachis sec.
L’établissement malpropre sent mauvais.
    Louis-Antoine
 – marquis d’Antin... -, le dos bien droit sur son banc, distribue à tous
les mauvais points. Il trouve que

Weitere Kostenlose Bücher