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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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mont Caucase, entre
ciel et terre, mais très haut, à la rencontre des puissances telluriques et des
puissances célestes, le foie rongé par un oiseau dont le caractère divin et
céleste ne fait aucun doute. Le « crime » de Prométhée est puni plus
sévèrement que celui du Serpent, et, en tout cas, il n’est pas identique. Certes,
la psychologie a mis en évidence que le fait d’avoir le foie rongé
perpétuellement par un rapace symbolisait le remords qui assaille Prométhée, mais
l’explication est trop facile et ne résout rien quant au sens profond du mythe.
À ce moment-là, on pourrait comparer ce châtiment avec le châtiment du Dragon, tel
qu’il apparaît dans l’ Apocalypse , quand Michel
l’enchaîne pendant mille ans. Mais le Dragon est libéré, tandis que Prométhée
attend encore sa délivrance.
    Il semble bien que le mythe de Prométhée ait été tronqué et
altéré à travers les rédactions successives de sa légende. En fait, son action,
qu’on peut classer comme une révolte face à l’autoritarisme de Zeus, se déroule
en deux étapes. Une première étape consiste à dérober le Feu du Ciel, celui de
Zeus, autrement dit la lumière céleste de l’intelligence, celle des rapports
subtils entre les êtres et les choses, en un mot la spiritualité. Des corps
sans âme qu’il a fabriqués, Prométhée fait des « presque comme Dieu »,
et répond de façon fragmentaire à la question posée par l’Archange Michel. Mais
cette violation du secret des Dieux déclenche un déséquilibre au profit de l’humain
et dont le divin est automatiquement privé. Zeus cherche donc à rétablir l’équilibre
rompu, et, par sa toute-puissante volonté, il dérobe à son tour le Feu que lui
a emprunté Prométhée. Là se place l’équivalent de la Chute des Anges et du
rejet de Satan dans les abîmes de la Terre. Or la situation ainsi créée ne peut
être que provisoire, puisque l’humanité, privée de l’Esprit-Feu, tente désespérément
de recouvrer ce qu’elle a perdu. Prométhée, qui l’incarne symboliquement, se
met en quête d’un nouveau Feu qui pourrait redonner à ses créatures la vie dont
elles sont privées. C’est alors qu’il dérobe non pas le feu céleste, plus que jamais
surveillé et interdit, mais le Feu tellurique, celui d’Héphaïstos, le dieu
boiteux que la colère de Zeus a déjà précipité dans les profondes cavernes de
la Terre.
    Ces deux étapes sont importantes, parce qu’elles éclairent
différemment la révolte de Prométhée. Celui-ci n’est pas un révolté pour le plaisir.
En tant que « Pensée prévoyante », il vise à mettre l’humanité en
possession des moyens d’action qui lui sont nécessaires pour accomplir le
destin du monde que les Dieux, empêtrés dans leurs contradictions, sont
désormais incapables de mener à son terme. Prométhée prend conscience que la
race des Dieux est désormais stérile et que rien de ce qu’ils entreprendront ne
pourra servir l’évolution du monde. Prométhée n’a confiance qu’en ces créatures
misérables qu’il a sorties de la glèbe. Il va donc tenter l’impossible et
obtenir le substitut de ce qui avait été, dans une première étape, la première
âme de l’humanité. A-t-il échoué ? Sûrement pas, puisque la vengeance de
Zeus se fait lourdement sentir sur lui.
    Un conte provençal, incontestablement d’origine grecque, rend
compte de ces deux étapes. Il s’agit du Feu dérobé ,
qui se racontait encore dans les dernières années du XIX e  siècle. Le thème de base est la colère du
Dieu chrétien – car le cadre est évidemment christianisé – devant l’insouciance
des humains qui font ripaille en Carême et abusent de la facilité qu’ils ont de
se servir de la flamme : « L’odeur de la friture et du rôti était
devenue si forte qu’on en était incommodé au Paradis. » Par la volonté de
Dieu, tous les feux s’éteignent sur terre. Mais il y a une contrepartie : « La
terre devint triste comme un tombeau. » Et surtout, « il arriva ce
résultat que Dieu n’avait pas prévu malgré sa grande sagesse : les hommes,
redevenus semblables aux bêtes, s’occupèrent encore moins qu’avant de religion ».
Dieu est très ennuyé de cette situation. C’est alors que l’Archange Gabriel
propose de descendre sur terre et d’offrir quelques charbons ardents qu’il ne
donnera que contre la promesse de vivre pieusement. Dieu accepte l’idée

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