Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
à vis.
À ce niveau intermédiaire, on peut reconnaître l’ancien
cloître, bâti dans les premières années du XII e siècle,
et devenu le « Promenoir des Moines ». Nous sommes là dans la partie
romane de l’abbaye : au-dessous s’étend une crypte qu’on appelle la
Galerie de l’Aquilon, l’ancien charnier, ou cimetière des Moines, et surtout, ce
qui a été au cœur même de l’ancien établissement, entre les deux niveaux, la
chapelle Notre-Dame-de-Sous-Terre, en style préroman caractéristique de l’époque
carolingienne. Ce n’est évidemment pas le premier sanctuaire établi sur le Mont,
mais celui qui a dû immédiatement succéder à la chapelle primitive, sur le
sommet du cône rocheux. D’ailleurs, le fait qu’elle soit consacrée à la Vierge
nous indique qu’elle devait être placée en contrebas du sanctuaire de saint
Michel : la disposition demeure toujours à peu près la même dans tous les
lieux où voisinent le culte de l’Archange et celui de la Vierge Marie.
Il y a d’ailleurs d’autres chapelles qui sont maintenant souterraines
depuis que les bâtiments de la Merveille et l’église abbatiale ont été élevés, en
particulier une ancienne chapelle mortuaire qu’on appelle Notre-Dame-des-Trente-Cierges,
qui se trouve sous la plate-forme du Sault-Gautier, et qui communique, par une
brèche, avec la chapelle Saint-Étienne, laquelle date du XIII e siècle. Sur le côté méridional, on peut
également voir une énorme roue en bois, qui était mue par des hommes qui s’y
introduisaient, et qui servait à actionner un treuil permettant de monter les
matériaux et les vivres dans l’intérieur même de l’abbaye.
Du côté de la Merveille, sur le flanc oriental, et sous le
vaste Réfectoire des Moines, se trouve la Salle des Hôtes, munie de deux
immenses cheminées, et qui était réservée aux visiteurs de marque. Immédiatement
à côté, on pouvait pénétrer dans la petite chapelle Sainte-Madeleine, et un peu
plus loin, sous le chevet de l’église, dans la Crypte des Gros Piliers, assez
récente puisqu’elle a été construite en même temps que le chevet gothique, à la
fin du XV e siècle. En fait, elle a été
creusée à même la roche, et les énormes piliers contribuent à assurer la
solidité de la masse du chevet, servant ainsi de base aux piliers du chœur de l’Église
abbatiale.
Au niveau inférieur, le bâtiment de la Merveille se divise
en deux salles. L’une, plus à l’ouest, est le Cellier : là est le ventre
de l’abbaye, où étaient engrangées les nourritures et les boissons, dans un
local très sombre et bien aéré, donc toujours très frais sans être vraiment
froid. Ce cellier a trois nefs, dont les voûtes d’arête reposent sur des piles
carrées supportant les colonnes de la Salle des Chevaliers qui se dresse juste
au-dessus. Tout à côté, vers l’est, se trouve une vaste salle à deux nefs, qu’on
appelle l’Aumônerie, et où les moines recevaient les indigents.
À cette masse imposante constituée par l’Église abbatiale et
la Merveille, masse construite autour du sommet du piton rocheux qui termine le
Mont, s’ajoutent les logis abbatiaux, de l’autre côté du Grand Degré intérieur.
Parfaitement restaurés, ces bâtiments abritent actuellement la Communauté monastique
qui réside au Mont-Saint-Michel depuis 1966, tentant de redonner à l’ensemble
son vrai visage d’abbaye. Ces logis comprennent les habitations des moines, un
réfectoire et une vaste cuisine, divers lieux de réunions, des chambres pour
les hôtes, et la magnifique salle de Belle-Chaise, d’une remarquable sobriété, qui,
à partir du XIV e siècle, fut occupée par
l’ officialité , c’est-à-dire par le tribunal de
l’abbé. C’est donc là que l’abbé jugeait, car il avait droit de justice sur
tous les hommes de ses domaines. Seules les affaires criminelles lui
échappaient en vertu du fait qu’un homme d’Église ne doit jamais verser le sang,
et ne peut donc condamner à mort un criminel. L’abbé, en cette circonstance, siégeait
sur une « chaire », une « chaise » qui donna bientôt son
nom au lieu. À l’entresol, une petite salle servait de greffe du tribunal. Au-dessous,
c’est la porterie, installée là en 1257 – alors qu’autrefois, l’entrée de l’abbaye
romane se trouvait à l’ouest, sous la plate-forme et l’ancien réfectoire aujourd’hui
détruit – et qui contient la plus belle
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