Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
cheminée de tout le monastère, décorée
de riches moulures. Mais à la fin du XIV e siècle,
lorsque le Mont devint une véritable citadelle, la porterie devint alors la
Salle des Gardes.
De toute façon, les logis abbatiaux étaient destinés
davantage à recevoir des hôtes qu’à assurer l’ordinaire des moines. Seul l’abbé
y avait ses appartements. Il se trouvait ainsi en contact avec les pèlerins et
les nobles visiteurs qui ne manquaient pas d’accomplir publiquement leurs
dévotions à saint Michel. C’est donc incontestablement la partie « mondaine »
de l’abbaye, celle qui a toujours été entretenue et restaurée, jusqu’à servir
de geôle pour les prisonniers politiques, ce qu’on nommait alors le Petit Exil
et le Grand Exil. À côté des logis abbatiaux proprement dits, un bâtiment
servait à abriter les cuisines. Il y avait également une chapelle
Sainte-Catherine-des-Degrés et le Logis des Prieurs, plus près du Sault-Gautier,
et la tourelle polygonale qui sépare ce groupe de bâtiments est occupée par un
très bel escalier à vis.
Lorsqu’on est à l’intérieur de l’enceinte de l’abbaye, on se
trouve donc dans un monde à part, complètement isolé du reste du Mont. L’abbaye
constitue une véritable ville dans la ville, dont le Grand Degré est la rue
principale. Mais la multiplicité des passages, des ouvertures plus ou moins
dissimulées, des corridors qui doublent parfois les murs entre le vide et les
salles, tout cela fait songer à un gigantesque labyrinthe dont seuls peuvent
sortir ceux qui en connaissent le secret. Le mystère de l’abbaye du
Mont-Saint-Michel réside avant tout dans cette accumulation de bâtiments construits
avec un souci permanent d’harmoniser la beauté et l’efficacité. L’abbaye
excitait les convoitises, donc il fallait la protéger : et l’aspect qu’elle
offre au visiteur qui la contemple du bas de la ville, ou même depuis la Tour
du Nord, est celui d’une forteresse dans laquelle il est peut-être difficile d’entrer,
mais de laquelle il est également très difficile de sortir. C’est sans doute
pour cela qu’elle a servi de prison pour ceux que l’autorité royale voulait
écarter des affaires, puis, à partir de la Révolution et jusqu’au Second Empire,
pour des condamnés de droit commun et des prisonniers politiques, parmi
lesquels Barbés fut le plus célèbre.
C’est dire la force qui émane de l’abbaye. Il est bien
certain qu’il ne pouvait en être autrement, puisque le but de cette fondation
était de rendre hommage à un Archange de Lumière qui, grâce à sa puissance, parvenait
à dompter les forces ténébreuses du Dragon. Dans cette lutte contre l’Ombre, il
fallait donc construire quelque chose qui pût résister aux assauts les plus sournois
et les plus violents de l’Adversaire. Et, au fond, la ville n’a été construite
que pour servir l’abbaye : d’abord pour accueillir les pèlerins, ensuite
pour protéger davantage l’abbaye, et par là même tout ce qu’elle représentait.
On s’en rend parfaitement compte, lorsqu’on sort de l’enceinte
du monastère et qu’on rejoint la Tour Claudine. C’est de là que part, à l’ouest,
le front septentrional des remparts qui, eux, protégeaient directement les
bâtiments monastiques, flanqués de trois tours dont deux très rapprochées, qui
sont appelées le Châtelet de la Fontaine, protègent un escalier qui aboutit, entre
des parapets, à la Fontaine Saint-Aubert, source d’eau douce abritée par une
belle tour cylindrique. Du côté de l’est, après la Tour du Nord, qu’on appelle
également Tour Morillaud, la plus élevée de l’enceinte, celle de laquelle on a
la meilleure vue vers la Normandie, ce n’est qu’une suite de remparts datant
des XIV e et XV e siècles,
jusqu’au bastillon de la Tour Boucle, et à la Tour elle-même. Ensuite, on
rencontre la Tour Basse et la Tour de la Liberté, puis la courtine du Sud et la
Tour de l’Arcade, enfin celle du Flot. Ces deux dernières sont reliées par une
courtine d’où l’on peut redescendre dans la Grande Rue de la ville, près de la
porte du Roi. De l’autre côté, c’est-à-dire immédiatement sous l’abbaye, protégeant
le chemin des Monteux, seul à pouvoir accepter une circulation automobile, à
vrai dire fort réduite, les remparts continuent jusqu’à l’échauguette de la
Pilette et se terminent à la Tour Gabriel par une amorce de remontée qui
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