Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
angélique. Et c’est un Ange
révolté, Satan, qui, par ses ruses, a enfermé l’Ange primitif, c’est-à-dire
Adam, dans un corps, autrement dit dans une matière qui est une manière de
non-être, ou une négation de l’Être.
    Face aux doctrines cathares, la réaction des théologiens orthodoxes
a permis de préciser ce que l’Église romaine pensait du problème des Anges. En
fait, l’angélologie allait devenir une méditation symbolique beaucoup plus qu’une
recherche théologique, et ce n’est pas sans méfiance qu’on a considéré les rapports
subtils entre les Anges et Dieu d’une part, entre les Hommes et les Anges d’autre
part. Ainsi, saint Anselme, qui s’est efforcé de concilier métaphysique et
théologie, a vu dans la révolte des Anges la preuve que ces Anges étaient doués
d’une liberté totale au même titre que l’être humain. Dans ces conditions, les
Anges ne pouvaient plus être des émanations divines, mais des entités autonomes
créées par Dieu pour aider les hommes à atteindre la connaissance. La révolte
des Anges, conséquence de leur Libre Arbitre, consiste en un refus de coopérer,
et se traduit par un « manque », le châtiment étant la privation de
la lumière divine. En réalité, dans les spéculations de saint Anselme, on
reconnaît toute la problématique cathare, mais ramenée dans le cadre d’un dogme
solidement établi.
    Le Franciscain saint Bonaventure, qu’on surnomma le « Docteur
séraphique », insista, au cours du XIII e  siècle,
sur l’aspect mystique de la vision qu’on peut avoir des Anges. Sans doute
avait-il été impressionné par ce qu’on racontait au sujet de son maître
François d’Assise qui, dans sa solitude du mont Alverne, aurait été visité par
un Séraphin ailé. Pour Bonaventure, les hiérarchies angéliques s’ordonnent et s’organisent
dans la Trinité, c’est-à-dire qu’elles sont le chemin qui mène à l’essence
divine. Mais par là, il suppose que l’âme humaine doit parvenir à la
connaissance des splendeurs célestes grâce à la contemplation angélique. Le
lien apparaît encore très net avec les propositions cathares, l’accent étant
mis sur les rapports de l’Ange avec l’âme, rapports parfaitement ambigus et qui,
interprétés d’une certaine façon, peuvent conduire à une identification. C’était,
en somme, prendre en compte l’angélologie cathare en la débarrassant du
contexte dualiste.
    C’est contre cette tendance que va réagir saint Thomas d’Aquin,
celui qu’il faut bien considérer, bon gré, mal gré, comme le théologien le plus
marquant de l’Église romaine. Il est vrai que dans le domaine de l’angélologie,
Thomas d’Aquin avait à affronter non seulement les séquelles du catharisme mais
également les influences profondes des théologiens et métaphysiciens musulmans
d’Espagne, le célèbre Averroès en particulier. Averroès professait en effet que,
pour avoir accès à la Connaissance suprême, les êtres d’intelligence inférieure
dépendaient étroitement d’êtres supérieurs, autrement dit des Anges (qui font
partie de la croyance musulmane). C’était donc affirmer que l’Homme ne pouvait
rien sans le secours des puissances intermédiaires et qu’il était soumis à une
sorte de déterminisme limitant considérablement la liberté individuelle. Il est
vrai que l’Islam est avant tout « soumission » à une volonté divine
présentée comme un plan préparé d’avance et auquel on ne peut échapper. Les
germes de la philosophie calviniste apparaissent déjà dans la métaphysique d’Averroès.
Et il est normal que saint Thomas d’Aquin, pur produit de la spéculation
médiévale, véritable opérateur de la synthèse entre l’aristotélisme
rationaliste et le message christique irrationnel, ait voulu prendre un certain
recul par rapport aux doctrines qui limitaient ou niaient le Libre Arbitre. Au
fond, le thomisme se présente comme un réaménagement supportable du néo-pélagianisme,
c’est-à-dire d’une doctrine qui fait confiance à la créature face au Créateur.
    C’est pourquoi saint Thomas insiste sur le fait que l’objet
de la Connaissance ne peut être que Dieu lui-même. Les Anges, pour lui, n’ont
qu’une importance relative et doivent être considérés seulement dans leur rôle
de « messagers ». Ils constituent une aide, mais ne sont pas les « correspondants »
exclusifs ou privilégiés des hommes : les Anges

Weitere Kostenlose Bücher