Le mouton noir
Dubois.
â Quelle somme lui avez-vous donnée en récompense?
â Deux cents livres. Câétait bien mérité. Il repart bientôt là -bas, si ce nâest pas déjà fait, et je lui ai aussi confié une somme similaire et une lettre à remettre à mon fils.
â Laissez-moi vous dire, madame, que vous êtes fort généreuse. Puissent vos espoirs ne point être déçus!
Justine en avait assez entendu. Sortant de chez la veuve, elle gagna en furie leur logement et attendit son homme de pied ferme. à peine était-il entré quâelle lâapostropha:
â Bernard Dubois se porte-t-il bien?
En bon menteur quâil était, Clément fit celui qui ne comprend pas.
â De qui parles-tu?
â Dâun jeune homme moustachu qui a soutiré sans vergogne quatre cents livres à une veuve éplorée.
â Je ne sais pas de quoi tu parles.
â Oh, si, tu le sais! Mais moi aussi! Je tâavais pourtant averti que si jamais tu te lançais dans des projets malhonnêtes, tu me perdrais. Je ne suis pas née pour partager la vie dâun escroc. Je suis ici chez moi. Déguerpis!
â Allons, ma mie! Tu sais fort bien que tout ce que jâentreprends, câest pour ton bien et celui de nos enfants.
â Mon bien et celui de nos quatre enfants? Allons donc!
â Comment, de nos quatre enfants?
â Oui! Puisque dans sept mois nos enfants auront un frère ou une sÅur. Toutefois, ils nâauront pas de père tant que le leur sera un voleur. Je te le dis et te le répète: déguerpis! Nous ne nous en porterons que mieux.
Clément resta là un moment, hébété, puis il choisit de partir en claquant la porte. Quand il revint quelques heures plus tard, il trouva lâappartement vide. Justine lui avait par contre laissé un mot:
«Ton père aura la générosité dâhéberger sa bru et ses petits-enfants.»
Chapitre 22
Au manoir de Verchères
Quand elle parvint à Verchères, Justine y fut reçue à bras ouverts par Marcellin et Marie. Elle nâeut guère à expliquer la raison de sa venue: Marcellin avait deviné.
â Mon fils, dit-il, ne se conduit pas comme tout Perré digne de ce nom devrait le faire. Vous avez bien agi en venant trouver refuge ici. Le manoir est grand et il nây a rien de mieux que de jeunes enfants pour le faire revivre.
â Alexandre, Isabelle et Françoise y seront bien, dit Marie.
â Et leur frère ou leur sÅur à venir également.
Toisant sa belle-sÅur, Marie dit:
â Il ou elle ne pourra trouver meilleur toit pour naître.
â Nous ne serons pas un fardeau pour vous. Je saurai bien me rendre utile, et si jamais Clément revient à de meilleurs sentiments, nous trouverons bien quelque part où aller.
â Ne parlez pas de partir alors que vous êtes à peine arrivée, intervint Marcellin. Vous êtes ici chez vous et la bienvenue. Vous pourrez y rester le temps que vous le désirerez.
â Dans ma détresse, dit Justine, je savais que je pouvais compter sur vous.
â Vous devez avoir faim! sâexclama Marie.
Et sans même attendre de réponse, elle se mit à brasser des chaudrons.
Justine ne mit guère de temps à se faire apprécier au manoir. Marcellin prit le jeune Alexandre sous son aile, et Isabelle et Françoise devinrent rapidement les protégées dâAlexandrine. Comme elle lâavait promis, Justine se mit tout de suite au travail. Avec lâaide de Marie, après avoir récupéré tous les bouts de tissu quâelle put trouver, elle sâaffaira à confectionner des robes qui lui valurent bientôt la réputation dâune grande couturière. Les dames des seigneuries et des manoirs voisins vinrent lui commander tant de robes que quelques semaines lui suffirent pour avoir plus dâouvrage quâelle ne pouvait en faire. Puis, au bout de quelques mois, Clément arriva à Verchères avec sa barque. Justine ne lui laissa point dâespoir et il dut se résoudre à loger au pavillon de chasse. De la sorte, il pouvait y voir ses enfants de temps à autre. à son père qui lui demandait ce quâil comptait entreprendre pour faire vivre les siens, il parla de son projet de pêche à lâanguille.
â Et que
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