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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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important dans sa décision de s’amender et de cesser de courir après une fortune insaisissable.
    Il décida donc de se rendre travailler à Québec. Lui qui s’était juré de ne jamais reprendre la plume mit son orgueil de côté et s’engagea comme commis aux écritures auprès du notaire Barolet. Mes tantes Françoise et Marie-Louise avaient trouvé mari. Ma tante Isabelle, établie aussi loin que la Louisiane, donnait très peu de ses nouvelles, aussi ma grand-mère Justine quitta Verchères pour Québec où elle avait passé de belles années. Elle cousait très bien et comptait pouvoir y vendre aux bourgeoises les robes qu’elle créait.
    Je m’apprêtais à continuer d’écrire l’histoire de mes grands-parents quand, parmi les papiers qu’on m’avait remis, je trouvai un manuscrit. Mon grand-père y faisait le récit de son séjour à l’emploi de l’intendant Bigot. Je me dis: «Qui pourrait mieux que lui-même raconter la suite?» Voilà pourquoi j’ai décidé de vous faire prendre connaissance du contenu de ce précieux document. Mon grand-père Clément y fait d’abord quelques considérations sur ce que fut sa vie avant de travailler pour l’intendant:
    Le 14 mars 1734, mon père, Marcellin Perré, mourait à son manoir de Verchères. Moi qui jusque-là avais peiné pour gagner ma vie et celle de ma famille, je pensais toucher ma part d’héritage, ce qui, en raison de l’opiniâtreté de ma sœur Marie, et, dois-je l’admettre, des sages conseils de mon épouse Justine, ne fut pas le cas. Pour ne pas tuer la poule aux œufs d’or que constituaient les terres et le manoir de Verchères, j’acceptai de ne recevoir qu’une partie de mon héritage. Il m’était préférable de toucher en rente chaque année la moitié des revenus générés par le manoir et ses dépendances plutôt que d’encaisser le montant global que j’aurais eu vite fait de dépenser, tout en mettant en péril la survie même du manoir.
    Après que le feu eut détruit le pavillon de chasse dont j’avais hérité et qui constituait ma demeure, n’étant pas à mon aise de vivre au manoir sous le même toit que ma sœur, je résolus de repasser à Québec afin d’y travailler de nouveau comme clerc. Le notaire Barolet accepta de me prendre, ce qui, nos enfants n’étant plus avec nous, et ajouté à la rente annuelle provenant de mon héritage, m’assurait un bon toit et une vie convenable. Désireuse de reprendre notre vie commune, mon épouse quitta le manoir de Verchères pour se rapprocher de moi. Après quelques années au service du notaire Barolet, je me retrouvai par hasard à la maison d’été de l’intendant où mon maître m’avait prié de porter l’expédition d’un jugement. À partir de ce jour, ma vie fut profondément bouleversée.
    Est-ce par intérêt personnel, par curiosité malsaine ou tout simplement par souci de vérité qu’à maintes reprises, on m’a incité à rendre compte par écrit de ces faits inusités? Je l’ignore et tout cela me semble maintenant fort lointain.
    Aujourd’hui, alors que le poids des années courbe mes épaules et me rapproche chaque jour de la terre, lieu de mon dernier repos, l’idée m’est venue de faire part des principaux événements qui ont tissé la trame de ma vie à compter du moment où je fus mêlé à la pire des fourberies dont les auteurs, fort heureusement, ont connu leur juste sentence, mais non sans qu’au préalable mon nom et celui des miens soient traînés dans la boue et mêlés à ceux des pires forbans. Pour le rachat de mon honneur et le repos de mon âme, avant de plier bagage et de rejoindre les miens au-delà de ce triste monde, je me dois de faire part de ces événements dont le souvenir hante mes nuits.
    Voilà pourquoi, avant de faire mes adieux à ce monde, je me suis enfin résolu à soulager ma conscience en racontant ces malheureux événements dont, si j’avais eu alors plus de courage, j’aurais peut-être pu faire dévier le cours. Hélas, mon silence craintif en aura fait pâtir plus d’un. Puisse ce

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