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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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constitué la population flottante du camp, nous ne connaîtrons qu’une seule évasion réussie, alors que les troupes russes sont à trois jours de Melk. Dans tous les autres cas, les évadés sont toujours repris au bout d’un temps plus ou moins long et on les voit revenir au camp entre deux gendarmes autrichiens, habillés de défroques civiles, pieds nus la plupart du temps, blessés bien souvent.
    — Première sanction : au piquet, debout, sans manger et sans boire, par tous les temps, presque nus, parfois le long des barbelés électrifiés, sous le mirador de la sortie du camp, pour que tout le monde puisse profiter de l’exemple. Le visage tuméfié des coups reçus, grelottant dans la boue glacée, dans le vent froid de l’hiver, sous la pluie ou la neige, nos compagnes permanentes à la redoutable fidélité. Ils ne sont relevés de leur piquet que pour être livrés aux mains du bourreau, médecin à la piqûre mortelle, tueur au revolver, étrangleur, peu importe la forme. Pendant quelque temps, un sursis bien court leur est accordé pour un complément d’enquête, la recherche de complicités éventuelles. Étroitement surveillés, ils vont alors au travail ou se promènent dans le camp, un gros cercle rouge cousu sur la poitrine et dans le dos, puis un beau jour ils disparaissent et nul ne les revoit jamais.
    — Mais pour marquer l’exemple, pour imprimer aux corps et aux cerveaux une terreur salutaire, le kommando au complet fera, du soir de l’évasion au lendemain matin à l’heure du départ au travail, un stationnement debout, au garde-à-vous, sur la place d’appel, au grand air, sans nourriture, pour se reposer de l’inévitable leçon de culture physique faite au retour du travail.
    — D’autres distractions nous attendent, la plus innocente consistant à nous faire rester assis par terre, sur la place d’appel, par beau temps, après l’appel, pendant plusieurs heures, pour écouter un concert donné par quelques artistes (?) détenus. Les plus mélomanes s’en passeraient !
    — Le 23 juillet 1944, à 9 heures du soir, appel imprévu. Le camp, au grand complet (cinq à six mille hommes à l’époque) est dirigé vers un emplacement en amphithéâtre où tout le monde prend place. Au centre, en contrebas, sur la « scène », une sorte de grand tréteau avec une corde et une plate-forme à bascule, en son milieu : c’est une potence et l’on va pendre un homme. Tous les S.S., de nombreux Blockführer que l’on voit rarement à l’intérieur du camp, en grand nombre, sont là, avides de ce spectacle de choix. Le supplicié est un jeune Russe de dix-neuf ans, coupable d’une tentative d’évasion, dit-on. Les interprètes lisent la sentence : c’est bien cela, il a essayé de reprendre sa liberté. Pendant ce temps, le Russe, qui a pris place sur la trappe, écoute impassible et calme, se décoiffe, passe son béret à un kapo puis, au moment où le Rapportführer s’avance pour, d’un coup de pied, faire basculer la plate-forme, avec un sourire il envoie à tous un baiser de la main. Quelques convulsions, un balancement et c’est tout. Tout s’est passé dans un silence impressionnant, coupé seulement de grosses plaisanteries des bourreaux.
    — Le 8 juillet 1944, alors que nous sommes à Amstetten, à 40 kilomètres de Melk, nous entendons les sourds grondements prolongés d’un bombardement aérien, sur le coup de midi. Nous avons vu passer une forte formation aérienne, trois ou quatre cents forteresses volantes peut-être. Elles repassent dans l’après-midi, et nous apprenons alors (les nouvelles vont vite, même les vraies) que c’est Melk, et en particulier la caserne qui a été bombardée. Qu’est-ce qu’une caserne vue de là-haut ? Une caserne tout simplement, avec des hommes que l’on peut prendre pour des soldats, même s’ils ne sont que des prisonniers. Mais cette erreur se paye lourd dans nos rangs : deux cent cinquante morts au moins. Combien de centaines de blessés ? Il y eut aussi, croit-on, de très nombreuses victimes parmi les S.S. et autres militaires, les ambulances ayant été entendues tout l’après-midi.
    — Quand nous rentrons le soir, de notre train longeant la route, nous apercevons de très nombreux camions aux bâches baissées : ce sont les morts et les blessés que l’on emmène à Mauthausen pour le crématoire ou pour les « soins ». C’est là que Fredix fut tué, avec combien d’autres dont

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