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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de ses
camarades à la Gestapo.
    François Ripert s’accusait
d’avoir été complice des assassinats et des trahisons commis ou ordonnés par
Alfred Berger.
    Il se reprochait d’avoir fermé les yeux, de s’être
interdit de comprendre tant qu’il n’avait
pas été lui-même concerné, menacé, blessé.
    Il écrivait :
    « En tuant mon
fils, ils m’ont tué.
    C’est la mort de Henri qui a arraché les
masques.
    J’ai vu ce que je refusais de voir.
    Le choix s’imposait : ou bien j’acceptais
d’être un père qui légitime le meurtre de son fils, qui banquette avec ses
assassins, qui nettoie leurs coutelas ; ou bien je rompais avec eux, je
dénonçais leurs crimes et leurs impostures.
    Comment hésiter ? J’ai commencé, au fond
de ma cave, à écrire ce que je savais, ce que j’avais vécu.
    Pour cela, ils allaient me tuer, et c’est ce
que je souhaitais.
    Mais il fallait d’abord que je termine ce
réquisitoire. »
    Et moi, le rejeton d’Alfred
Berger, moi dont la chair, le sang, le nom étaient issus de cette personnalité
maligne et criminelle, je devais poursuivre ma lecture et m’obliger ainsi à
savoir d’où je venais.
    Je ne pouvais plus accorder à Alfred Berger des
circonstances atténuantes, de bonnes excuses ou, pire, de bonnes raisons
politiques et idéologiques.
    Alfred Berger n’était pas un révolutionnaire, un
militant, mais l’exécuteur des basses œuvres d’un tyran auquel il avait voué sa
vie par goût de la puissance et par lâcheté.
    Les révoltes, les convictions qui, peut-être, à
l’origine, l’avaient poussé à s’engager, à agir, n’étaient plus depuis
longtemps que des alibis.
    Et de cela aussi le manuscrit de François
Ripert apportait l’implacable démonstration.
    « J’avais, jusqu’à
cette fin d’année 1942, écrivait Ripert, aidé Alfred Berger.
    Je n’étais pas seulement aveugle, mais
satisfait de moi.
    Je faisais partie du petit nombre qui était
resté fidèle à Staline au moment où, après l’annonce de la signature du Pacte
germano-soviétique, en août 1939, les adhérents avaient par dizaines de
milliers déchiré leur carte du Parti.
    — Les rats quittent le navire, avait
répété Berger.
    Je restais à bord avec lui. Je me vivais
fidèle et courageux, et cela m’exaltait. Je prenais des risques. Je l’hébergeais,
je le conduisais jusqu’à Bruxelles, ma qualité d’avocat nous permettant de
franchir deux barrages de gendarmes.
    J’étais fier de moi.
    Je sais aujourd’hui que je n’étais qu’un homme
qui refuse de comprendre, l’un de ces malades qui s’obstinent à ignorer la
plaie purulente qui les ronge, et qui rejettent toute idée d’amputation.
    « Pourtant, quelques
jours après mon retour à Paris, j’avais appris par la presse, qui en faisait
ses gros titres, qu’un diamantaire anversois, Samuel Stern, avait été tué d’une
balle dans la nuque au moment où, semblait-il, il s’apprêtait à quitter la
Belgique pour la France ou l’Angleterre.
    Je connaissais Samuel Stern. Je l’avais
rencontré à plusieurs reprises et nous avions mis au point les mécanismes financiers
qui permettaient des transferts de fonds entre Moscou et Paris.
    Je l’avais revu pour la dernière fois en mai
1937 et les sommes qu’il m’avait transmises m’avaient permis de créer la
compagnie maritime France-Navigation, dont les navires assuraient le transport
des armes vers les ports de l’Espagne républicaine. J’avais été frappé, lors de
cet ultime entretien, par la lassitude et le désespoir de cet homme dont j’avais
senti qu’il voulait se confier.
    Nous avions dîné ensemble au Café de la Paix, place
de l’Opéra. Il avait beaucoup bu et j’avais été gêné qu’il me révélât sa
véritable identité, qu’il me racontât comment il avait organisé le voyage de
retour en Russie de Lénine, au printemps 1917, et comment l’argent allemand
avait financé le parti bolchevique.
    Je ne l’avais pas interrogé lorsqu’il m’avait
saisi le bras, l’avait serré, me répétant que je ne devais jamais me rendre à
Moscou :
    — C’est un abattoir, m’avait-il dit. On
patauge dans le sang des camarades. Personne n’y échappe. Ils tuent d’abord les
meilleurs, nos généraux, puis ils frappent au hasard, pour terroriser.
    Il avait baissé la tête, puis, après un long
silence, avait ajouté :
    — Lui, c’est un paranoïaque. Il se terre
au Kremlin, mais ordonne chaque meurtre. Il

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