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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fixait Julia, la dévisageait puis détournait le regard comme s’il
craignait de dévoiler ce que tout le monde savait : que la comtesse
Garelli se rendait aux réceptions de l’ambassade russe, qu’elle y avait de
longs apartés avec Sergueï Volkoff, le premier secrétaire, dont personne n’ignorait
à Berlin qu’il était le représentant des Services, l’homme le plus important de
l’ambassade, celui qui faisait trembler l’ambassadeur Meskine en personne.
    C’est à Volkoff que Julia devait rendre compte
de l’avancement de sa mission. Avait-elle réussi à convaincre Kleist des
intentions pacifiques du pouvoir soviétique qui considérait Berlin comme son
premier partenaire en Europe ?
    Elle l’avait dit à Karl von Kleist, et
celui-ci avait répondu que le Führer était un homme réaliste qui voulait la
paix avec le monde entier, mais qui n’aurait de cesse que les peuples allemands
et les droits du Reich fussent respectés.
    Or ils ne l’étaient pas, par exemple par la
Tchécoslovaquie et par la Pologne. L’une refusait de reconnaître l’identité et
l’autonomie des Allemands des Sudètes, l’autre ne voulait pas que les Allemands
pussent accéder à la ville germanique de Dantzig, coupée du Reich par un
couloir polonais qui était, plus qu’une aberration, une infamie.
    Julia devait répondre d’une voix primesautière
qu’à Moscou, celui dont tout dépendait et qu’elle avait vu dans sa datcha de
Kountsevo – mais oui, elle L’avait vu –, comprenait parfaitement la position
allemande.
    Karl von Kleist s’inclinait
vers elle.
    On passait d’un salon à l’autre où se pressait
une foule élégante et joyeuse.
    Les troupes du général Franco avaient atteint
les bouches de l’Èbre, les républicains espagnols étaient en déroute, et
bientôt Hitler et Mussolini compteraient un nouveau frère d’armes. La France
serait alors prise en étau et il faudrait bien qu’elle cède.
    De place en place, se détachant sur les murs
recouverts de marbre blanc et rose, les gardes SS ressemblaient à des statues
noires.
    Julia frissonnait. Ces hommes étaient sans
regard.
    Karl von Kleist lui proposait de la
raccompagner à l’hôtel Prinz Eugen.
    Julia écrit :
    « Karl von
Kleist vient de partir. Je regarde ce lit défait. Ni honte, ni lassitude. J’ai
pris du plaisir à sentir peser sur moi le corps devenu un peu gras, depuis
Venise, de Monsieur le général von Kleist, chef d’état-major personnel du Führer.
    Kleist, ce soir, à la chancellerie, m’a
présenté à celui qu’il appelle “Notre visionnaire”.
    Hitler a gardé quelques secondes ma main dans
la sienne. Elle est toujours aussi potelée, moite. Il a esquissé une
inclinaison du buste cependant que Kleist lui indiquait que j’arrivais de
Moscou, que j’étais la comtesse Garelli, de Venise, dont le père était proche
du Duce.
    Une lueur d’intérêt a brillé dans les yeux de
Hitler, puis son regard s’est voilé et dérobé.
    Kleist, lui, est enthousiaste. L’Allemagne
nouvelle, dit-il, ne tirera pas les marrons du feu pour ces Messieurs de Londres et de Paris, elle ne conduira à leur
profit aucune croisade contre les Russes.
    Puis ses lèvres effleurent le lobe de mon
oreille, et il chuchote. Ai-je besoin de comprendre ce qu’il me dit ?
    Il veut passer de la diplomatie au lit.
    Pourquoi pas ? Je préfère encore Karl von
Kleist aux cauchemars qui me hantent. »
    Chaque nuit Julia
entend les sanglots de Maria Kaminski. Elle voit Vera qui se débat, tente de
retenir sa fille qu’on lui arrache, qu’on va enfermer dans un orphelinat.
    Les agents du NKVD la frappent pour qu’elle
lâche prise.
    Julia se réveille en sursaut, mais le cauchemar
se poursuit. Elle n’imagine plus rien, mais se souvient des propos de Willy
Munzer.
    Munzer a surgi alors qu’un après-midi elle se
promenait sur Unter den Linden, l’hiver se fendillait enfin, laissant
apparaître un bleu vif, et par ces fentes dans la grisaille une brise embaumée
glissait, caressante.
    Elle se répétait qu’en dépit de la souffrance
qu’elle éprouvait, des compromissions dans lesquelles elle se vautrait, et
malgré ces nuits de cauchemars, si angoissantes qu’elle s’accrochait aux
épaules de Karl von Kleist afin qu’il restât encore quelques instants avec elle
à la serrer, à l’étouffer, parfois à la faire se roidir, crier, donc oublier
quelques secondes où elle était, qui elle était, quel était cet homme qui

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