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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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l’entrée.
D’habitude, il est toujours là, il est en retard.
    Bridet s’assit sur un banc de chêne poli placé
le long du mur. Une ampoule sans abat-jour éclairait le vestibule. Un peu de
clarté venait aussi par une porte de verre granité, celle de l’ancienne cuisine
probablement. Il n’y avait pas de tapis, mais des clous de cuivre demeuraient
encore fichés dans le parquet. Sur un mur, pas au milieu, un peu dans l’ombre,
une petite photographie du général Weygand. Il était en uniforme, mais nu-tête,
ce qui lui donnait l’air d’un homme indépendant, prêt à s’engager dans la voie
qu’il jugerait la meilleure au moment opportun.
    De temps en temps, la porte d’entrée s’ouvrait.
Personne ne semblait s’apercevoir de la présence de Bridet. Les visiteurs s’engageaient
sans hésitation dans le couloir, entrouvraient des portes, les refermaient.
    Bridet était moins inquiet. Il se disait
que s’il y avait eu quelque chose de vraiment grave, le directeur n’eût pas été
en retard. Le peu d’empressement qu’il mettait à le recevoir était l’indice qu’il
avait à s’occuper d’affaires plus importantes. Bridet alluma une cigarette. Il
remarqua que les verrous avaient été ôtés, sans doute par les précédents
locataires, et qu’il y avait à la place, dans la porte, des trous aussi gros
que des pièces de deux francs. Ce détail avait quelque chose de sympathique. On
semblait camper. On semblait ne pas songer à arrêter les gens.
    Au bout d’une demi-heure d’attente, Bridet
se leva et se mit à marcher de long en large dans le vestibule. Déjà les
visiteurs qu’il avait vus entrer étaient ressortis. Certains même étaient
revenus. Cela devenait gênant d’être toujours là. Le directeur, d’ailleurs,
était peut-être arrivé et on avait oublié de prévenir Bridet.
    Ce dernier frappa doucement à la porte de
la pièce occupée par les quatre employés.
    — Nous le saurions, dirent-ils, s’il
était là.
    Bridet retourna s’asseoir dans l’entrée. Il
pensa qu’il n’avait qu’à laisser un mot, écrire qu’il était venu, qu’il avait
attendu, mais qu’ayant un rendez-vous, il avait dû partir.
    À ce moment un jeune homme élégant, venant
du fond de l’appartement, s’arrêta devant lui.
    — Vous êtes monsieur Bridet ?
demanda-t-il.
    — Oui.
    — M. Saussier s’excuse d’être en
retard. Il va arriver dans un quart d’heure au plus. Il vous prie de l’attendre.
    — C’est très ennuyeux, dit Bridet
réconforté par ce ton courtois. Je dois justement voir M. Basson tout à l’heure,
à l’intérieur. Est-ce qu’il est onze heures ?
    Le jeune homme regarda sa montre.
    — Il n’est pas onze heures, dit-il.
    — Oui, mais il faut le temps d’y
aller.
    — Voulez-vous que je téléphone à M.
Basson pour lui dire que vous êtes ici ?
    — Oh ! non, ce n’est pas la
peine.
    — Voulez-vous téléphoner vous-même ?
    Bridet feignit de trouver l’idée
excellente, puis tout à coup, comme s’il se ravisait :
    — Oh ! après tout, il m’attendra.
    Bridet se rassit. Une demi-heure s’écoula
encore, coupée par des allées et venues de plus en plus nombreuses. De temps en
temps, le jeune homme élégant revenait pour faire patienter le visiteur. À la
fin, comme frappé de n’avoir pas eu cette idée plus tôt, il lui dit :
    — Mais venez donc dans mon bureau.
Vous serez beaucoup mieux. Excusez-moi de ne pas y avoir pensé avant.
    — C’est qu’il est déjà onze heures et
demie, remarqua Bridet.
    — Si c’est à cause de M. Basson que
vous vous inquiétez, rassurez-vous. Je viens de téléphoner à l’Intérieur. Il ne
viendra pas ce matin.
    — Ah ! bon, dans ce cas, tout est
changé, dit Brider en paraissant soulagé. Je peux attendre.
    Au fond du couloir, se trouvait un réduit
où étaient remisés un buffet de salle à manger démonté et un sommier. Le
secrétaire ouvrit une autre porte. À la grande surprise de Bridet elle donnait
sur un petit escalier intérieur tout neuf.
    — Je vous fais prendre le chemin le
plus court, dit le secrétaire. Excusez-moi, je passe devant vous, je vous
montre le chemin.
    — Mais où allons-nous ? demanda
Bridet.
    — À l’étage au-dessus.
    Un instant après, Bridet se trouvait dans
un autre appartement qui n’avait rien de commun avec celui qu’il quittait. Il
était meublé luxueusement. Du hall, auquel un tapis rouge, des appliques à
trois branches et

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