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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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j’y
aille, dit Bourgoing.
    — Mon Dieu, ce que vous aimez
compliquer les choses, dit Bridet à l’inspecteur qui était resté avec lui.
    Peu après, Bourgoing revint.
    — J’ai bien fait d’aller voir, dit-il.
Nous devons le conduire là où tu sais. C’est M. Saussier qui l’a dit.
    — Et M. Schlessinger ? demanda
Bridet que l’inquiétude envahissait de nouveau.
    — Ne me parlez pas de celui-là... Il a
failli me mettre à la porte.
     

10
    Ils dînèrent dans le restaurant où ils
avaient déjeuné. Décidément cet établissement s’était attiré les bonnes grâces
de la police. Bridet se demandait ce qu’on comptait faire de lui. Ses
compagnons étaient très gentils. Ils lui témoignaient beaucoup d’égards. C’est
ainsi qu’ils le laissèrent choisir une table. On leur servit un apéritif, puis
un autre en cachette, car ce n’était pas le jour. Bien que sa situation fût
plutôt moins bonne qu’à midi, Bridet éprouvait un soulagement. La journée était
finie. Il ne pourrait rien lui arriver avant le lendemain. Il engagea la
conversation avec ses gardiens. Ils n’avaient pas l’air de considérer leur
prisonnier comme un personnage dangereux. « Cela facilite leur tâche »,
pensa Bridet.
    Ils semblaient ne pas douter qu’il serait
relâché et dans les attentions qu’ils avaient pour lui, on devinait qu’ils
cherchaient à gagner sa sympathie. Bridet avait peut-être de hautes
protections. Ils obéissaient à leurs chefs, mais ils n’oubliaient pas que, par
on ne sait quel détour, la situation pouvait se retourner.
    Le soir, l’atmosphère est toujours plus
cordiale. À la fin du dîner, le patron vint s’asseoir un instant à leur table.
Bridet était maintenant assez optimiste. Rien ne distinguait son groupe des
groupes voisins. Ces inspecteurs étaient quand même de braves gens. Ils se
conduisaient de plus en plus comme si Bridet allait être libéré le lendemain,
comme s’il fallait profiter des circonstances pour faire naître une amitié qui,
plus tard, pourrait être utile.
    Ils en vinrent à parler de ce qu’ils
allaient faire de Bridet, la nuit, mais sur le ton d’hommes qui, eux aussi,
sont obligés de découcher et comme si, à eux trois, la même aventure fâcheuse
était arrivée.
    Après le dîner, ils n’en conduisirent pas
moins Bridet au commissariat voisin, prenant un air de gens ennuyés de rentrer
si tôt. Ils dirent qu’ils « la trouvaient saumâtre ».
    Il était huit heures et demie. Il faisait
nuit depuis longtemps. Cinq ou six agents en uniforme bavardaient dans la salle
de garde. Quand les nouveaux arrivants se présentèrent, ils ne bougèrent pas.
Bourgoing demanda si le chef était là. Sur la réponse négative d’un agent, il
ne parut pas contrarié. « Nous venons passer la nuit », dit-il. Les
agents regardèrent Bridet, non pas comme un délinquant ou un criminel
ordinaire, mais comme un homme tombé dans une disgrâce provisoire et dont on ne
pouvait savoir si demain déjà il ne retrouverait pas la faveur perdue.
    L’un d’eux, pourtant, gardait une expression
mauvaise. On devinait qu’il avait une haine profonde pour les hommes, sans
titre particulier, qui approchaient le pouvoir. Bridet en était un à ses yeux.
C’étaient ces hommes qui avaient perdu la guerre, ces hommes qui en ce moment
encore, au lieu d’être conduits directement au poteau d’exécution, continuaient
à faire peur et étaient traités avec égards, car, au fond, ils étaient toujours
puissants, même entre les mains de la police.
    Les agents firent de la place aux nouveaux
venus. Celui qui avait regardé méchamment Bridet se mit à parler à voix basse.
Ses collègues eurent l’air embarrassé, puis, se faisant brusquement moins
aimables, se réunirent dans un coin du poste.
    Bourgoing leur demanda s’ils n’avaient pas
un jeu de cartes. Ils répondirent avec mauvaise volonté. « Je vais tâcher
d’en trouver un », dit l’autre inspecteur. Il revint peu après avec un jeu
tout neuf qu’il avait dû acheter dans un bureau de tabac voisin. Cette liberté
donnée à ses gardiens d’engager de petites dépenses pour son confort ou sa
distraction parut à Bridet très inquiétante. Elle participait de ces attentions
venant de haut qui donnent à l’inculpation quelque chose de plus grave encore.
On eût dit qu’au degré où Bridet était placé, il importait peu qu’il mangeât du
poulet ou non. On n’en voulait pas à sa

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