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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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monde un
mari regarde sa femme. Ceux-ci détournèrent les yeux. L’esprit de l’Administration
pénitentiaire ne semblait pas le même que celui de la police.
    — On cherche à m’avoir, hurla Bridet.
Mais ça ne se passera pas comme ça.
    — Taisez-vous.
    — Regardez-moi en face, continua
Bridet toujours aussi fort. Vous savez bien que c’est vous qui les avez mis
dans ma poche. Vous le savez bien et si vous dites le contraire, vous êtes une
abominable crapule.
    L’inspecteur se mit à crier à son tour. Il
y avait un fait. Il n’entrait pas dans les détails. Bridet se tourna vers les
assistants.
    — Enfin, vous étiez là, vous avez tout
vu. Vous savez que je n’avais pas de tracts. Et vous laissez faire, et vous ne
dites rien. C’est une honte.
    Il y eut un instant de gêne. Puis des
murmures s’élevèrent.
    — Oh ! assez, on en a assez, vous
commencez à nous embêter, vous savez, il ne faut pas faire le malin, si vous le
prenez sur ce ton, ça va vous coûter cher, nous voulons bien être gentils, mais
il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles, vous vous expliquerez avec le
juge, nous, nous faisons notre travail, un point c’est tout.
    Sur ces entrefaites, le gardien-chef, dans
cet uniforme sombre du personnel des prisons dont les galons, au lieu d’être
dorés, sont d’un bleu triste, entra dans la pièce. Il avait une moustache en
forme de rouleau et les cheveux en broussaille. Pour plaisanter, il claqua les
talons et tendit le bras à l’hitlérienne. Cela avait beau être une
plaisanterie, on sentait chez lui le vague regret que ce ne fût pas le salut
français. Cela faisait tellement plus d’effet, ce claquement de talons et ce
bras tendu, qu’une main ouverte à la visière d’un képi.
    — Vous n’êtes pas à Berlin ! lui
cria l’inspecteur, sautant sur cette diversion.
    — Qu’est-ce qu’on fait ? demanda
peu après un des employés du greffe.
    — Le procès-verbal, il faut faire le
procès-verbal. Vous voyez bien que nous l’attendons pour partir, dit l’inspecteur.
    — Est-ce que ça en vaut vraiment la
peine ?
    — Je vous crois que ça en vaut la
peine.
    Les employés se regardèrent. Il leur
répugnait visiblement d’être mêlés à cette histoire. Mais comme l’inspecteur
insistait toujours, ils commençaient à craindre qu’on ne les soupçonnât d’avoir
une sympathie secrète pour les communistes.
    Et le procès-verbal fut dressé.
    ** *
    Dans la cellule de la division B se
trouvaient déjà trois détenus. Un conducteur de camion qui était monté sur un
trottoir et avait écrasé contre un mur une fillette de huit ans et une vieille
femme. Un Polonais qui avait tué un de ses compatriotes. Il prétendait avoir
agi en état de légitime défense. Enfin un personnage douteux que des soldats
allemands avaient conduit dans un commissariat de la rue Rochechouart. Ils l’avaient
vu extorquer de l’argent à des femmes de mauvaise vie, dans une maison close,
en les menaçant d’un couteau. La police française avait longuement remercié ces
soldats. Pour une fois que la collaboration ne pouvait être critiquée, elle s’en
était donné à cœur joie. Le directeur de la brigade mondaine s’était même mis
en rapport avec les autorités allemandes pour chercher quelle récompense il
convenait d’accorder à ces honnêtes soldats.
    Les trois prisonniers accueillirent Bridet
avec beaucoup de cordialité. Le temps qu’ils avaient passé en prison leur
faisait paraître celle-ci moins terrible. Ils trouvaient que Bridet prenait ce
qui lui arrivait trop au tragique. Le premier jour était le plus mauvais. Ils
pouvaient lui affirmer que demain il se sentirait déjà mieux.
    Bridet se laissa tomber sur le tabouret. Au
moment où on l’avait poussé dans la cellule, il avait crié, esquissé un
mouvement de recul, si grande était son excitation. Et maintenant, quelques
minutes plus tard, il était là, subitement retranché du monde, sans savoir ni
pourquoi ni pour combien de temps. Il pensait à l’histoire des tracts. On avait
voulu certainement aggraver son cas. Mais qui ? Puisqu’il suffisait d’un
ordre de ministre pour arrêter les gens, pourquoi cette comédie ? Il avait
peut-être pris de trop haut ces inspecteurs. Ils s’étaient vengés. Yolande
aussi avait été maladroite. Quel besoin avait-elle eu de parler à des gens qui,
du point de vue patriotique, ne devaient pas avoir la conscience bien
tranquille, des qualités

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