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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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frénétiquement. Il rugissait :
    « Tu dis que Léonore est mariée !…
    – Oui !…
    – Depuis quand ?
    – Depuis deux ans !
    – Le nom du mari ?
    – Altieri !… »
    Roland leva vers le ciel ses poings crispés et ses yeux convulsés. Puis, avec un long gémissement, il s’en alla comme un chêne foudroyé s’en va au gré du torrent qui l’emporte.
    Pendant quelques minutes, le vieillard tremblant entendit cet horrible gémissement qui s’éloignait et finit par s’éteindre.
    Que devint Roland dans le cours de cette nuit ?
    Qui eût pu le dire ?
    Il entra au matin dans le logis de Juana.
    En le voyant, Scalabrino avait poussé un cri de joie.
    Il avait passé la nuit dans une mortelle inquiétude.
    Il avait mis d’ailleurs à profit une partie de la nuit.
    Accablé de fatigue, il avait dormi trois heures sur une chaise, dans la cuisine, la tête sur la table, tandis que Juana lui raccommodait activement un costume. Puis il avait coupé ses cheveux, taillé sa barbe, et enfin procédé à une toilette qui l’avait entièrement transformé.
    En entrant, Roland but coup sur coup deux verres d’eau.
    Puis se tournant vers Scalabrino, il dit :
    « N’est-ce pas aujourd’hui dimanche ?
    – Oui, monseigneur.
    – Ne serais-tu pas bien aise d’entendre la messe à Saint-Marc ? »
    Scalabrino le regarda avec étonnement. Il ne connaissait pas ces sentiments religieux à Roland, et pour son compte il ne croyait ni à Dieu ni à diable. Et puis la question était bizarre.
    Il se contenta donc d’un grognement qui pouvait à la rigueur passer pour une approbation. Juana joignit les mains.
    « Si on allait vous reconnaître ! fit-elle.
    – On ne nous reconnaîtra pas », dit Roland avec une telle assurance que la jeune femme, l’ayant regardé, murmura :
    « En effet, c’est à peine si je le reconnais moi-même ! Qu’a-t-il pu se passer cette nuit ?… »
    « C’est donc entendu, acheva Roland, nous assisterons à la grand-messe de midi. En attendant, viens avec moi. »
    Ils sortirent tous deux…
    Au moment de son arrestation, le soir des fiançailles, Roland portait sur lui plusieurs bijoux de grand prix, selon la mode du temps. D’abord, une chaîne d’or autour du cou. Puis une ceinture enrichie de pierreries. Puis une épée dont la poignée était garnie de rubis et de diamants. Enfin une bague à l’un de ses doigts.
    Chaîne, épée et ceinture avaient disparu, soit au moment de l’arrestation, soit au moment de la lutte quand on l’avait poussé vers les puits. Mais la bague était restée à son doigt.
    Pendant les six ans qu’il avait passés au fond des puits, cette bague, cadeau de Léonore, lui avait été une sorte de fétiche protecteur, et bien souvent, à contempler le diamant, il s’était figuré que Léonore le regardait.
    Cette bague était l’unique richesse de Roland. Elle était, d’ailleurs, d’une grande valeur et portait un magnifique solitaire.
    Roland, en sortant de la maison de Juana, se dirigea vers le Rialto et entra sans hésiter dans la boutique d’un marchand chez qui, jadis, au temps de son adolescence un peu fiévreuse, il avait fait maint achat. Le marchand le regarda. Roland supporta cet examen sans sourciller ; il arracha de son doigt la bague de Léonore – presque la bague des fiançailles.
    Le marchand la prit, en extirpa délicatement la pierre, la pesa, l’examina à la loupe, parut se consulter, fit la grimace, joua enfin la comédie que jouent tous les marchands de toute éternité, et offrit deux cents écus d’or. Elle en valait cinq cents.
    Roland, sans un mot, prit les deux cents écus d’or et les remit à Scalabrino. Scalabrino demeura un instant étourdi. Quelque chose comme une flamme d’orgueil parut dans ses yeux, puis ses yeux se reportèrent sur celui qu’il appelait son maître avec une reconnaissance profonde. Ainsi, on lui confiait une grosse somme, à lui aussi.… Ce simple geste de Roland fut peut-être dans l’âme de Scalabrino plus considérable, ce fut une chose plus énorme que la grâce du quai d’Olivolo et l’entretien dans le cachot à la minute de l’exécution.
    Chez un fripier, Roland choisit deux costumes complets de cavaliers étrangers.
    « Nous allons donc voyager à cheval ? demanda Scalabrino.
    – Peut-être ! Emporte le paquet et viens me rejoindre au pied du Lion. »
    Scalabrino s’éloigna rapidement. Roland gagna la place Saint-Marc et s’arrêta au

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