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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bouche de Luciane, qu’elle sourît ou non, avait une fermeté, une roseur qui l’incitait sans cesse à y poser ses lèvres, mais il se défendrait contre cette envie-là. Ses oreilles, petites et son cou flexible semblaient faits, eux aussi, pour les baisers…
    – J’ai hâte de passer une robe.
    – Au Crotoy, j’ai de quoi vous l’offrir. Demain, je vous en paierai une à votre choix.
    Il y eut un silence lourd d’ils ne savaient quoi. Sans doute leurs pensées vaguaient-elles sur des chemins divergents. Puis doucement, Luciane demanda :
    – Comment est-elle ? Brune ? Blonde ? Rousse ?
    Allons, bon ! Les traits si purs s’étaient durcis.
    Jalousie ? Non : une sorte de pressentiment ravageur.
    – Elle vous ressemble.
    – Ah !
    Luciane observa quatre mariniers sur le pont. Deux d’entre eux affermissaient l’attache d’une drisse ; les deux autres renouaient les carets d’un hauban.
    – Puis-je savoir son nom ?
    – Oriabel.
    – Il est beau.
    – Il est beau. Le vôtre est bien joli, murmura Tristan.
    Le visage d’Oriabel lui revenait en mémoire. Plus précis, mais figé, incomplet comme celui de cette statue qui ornait le gynécée de Perrette Darnichot. Il dit, la bouche amère et le regard fuyant :
    – Vous voilà saine et sauve…
    – Prête, voulez-vous dire, à souffrir autrement.
    Il n’y avait, entre elle et lui, que la distance d’un souffle. Il pouvait, mais il ne le voulait, rejeter Oriabel dans l’ombre et savourer l’instant présent. Ne l’avait-il pas mérité ? Sans doute, s’il s’était senti libre, eût-il apprécié cette aventure qui, en même temps que la déception et la honte, lui avait révélé Luciane. «  Elle me tente ! » Il n’allait tout de même pas renier ce culte fervent et inquiet qu’il avait voué à celle qu’il avait prise pour femme ! S’il pouvait imaginer quelques coucheries avec cette pucelle, c’était sans doute à des épousailles solides qu’elle songeait.
    – Vous allez retrouver la Normandie… Vous y oublierez tout… même moi !
    – Croyez-vous ?… C’est vous qui m’oublierez !
    – Comment le pourrais-je ?
    – Vous voyez bien !
    Il « voyait », en effet, qu’il ne cessait de s’enferrer.
    – En Normandie, je ne retrouverai que du vide… Et vous, en quels lieux Oriabel vous attend ?
    – Dans le châtelet de mon père, sans doute.
    –  Sans doute ?
    Il lui avait offert, involontairement, un espoir.
    – Oui, sans doute. Nous avons été séparés à la bataille de Brignais.
    – Elle est noble ?
    – Il n’y a pas plus noble qu’elle.
    Cela ne s’appelait-il pas mentir intelligemment ?
    – Et vous, Luciane ? Que faisiez-vous dans votre jeunesse prime ? Comment avez-vous fait pour aboutir à Cobham ?
    Elle réprima un geste d’agacement. Ce n’était pas d’elle qu’elle voulait l’entretenir. L’autre, la rivale, aiguillonnait sa curiosité. Elle se remit à tordre ses cheveux :
    – Ma mère, Blandine, mon grand-père et tous leurs serviteurs sont morts de la peste noire… même leurs chiens… J’avais à peine un an…
    La voix de la jouvencelle s’était altérée ; elle la raffermit :
    – Je dois la vie à mon oncle Thierry. Il venait de perdre du même mal sa femme et son fils – de mon âge – quand il m’a tirée de Gratot, le châtelet de ma famille. Disant que l’air y était pur, il m’emmena au Mont Saint-Michel et se fit engager au service de Nicolas le Vitrier qui commandait les hommes d’armes…
    – La plupart sont des clercs.
    – Thierry obtint l’estime de Geoffroy de Castegny, qui secondait l’abbé Nicolas…
    – Geoffroy de Castegny l’a remplacé, puis Bertrand Guesclin 247 l’a dépossédé de cette charge, bien qu’il ne soit jamais au Mont, à ce qu’on dit. Mais vous, Luciane, que faisiez-vous là-bas ?… Qui vous gardait ?
    – Une bonne dame, Lison Bonnefoy, dont l’époux était armurier. Ils avaient deux chèvres dont j’ai bu le lait… ensuite, j’ai mangé surtout du poisson !
    Elle soupira. Elle devait détester, maintenant, cette chair blanche et fade.
    – Quand j’ai pu parler, comprendre les choses, j’ai appris que moins d’un mois avant ma naissance, le roi Philippe avait fait quérir mon père et mon oncle Thierry pour qu’ils rejoignent l’ost avec leurs soudoyers. Le roi avait fait Thierry chevalier à Crécy, et il tenait aussi mon père en particulière estime… Or

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