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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le considéra un instant, fixement, avec une froideur marquée. Enfin d’un ton sec :
    « Dites-moi ce qui s’est passé hier, à la tombée de la nuit, devant la porte de Nesle », dit-elle.
    Sans se laisser démonter par cet accueil glacial, Rospignac, très pâle, mais très maître de lui, fit en termes brefs le récit de l’algarade.
    À mesure qu’il parlait, elle établissait mentalement le parallèle entre les renseignements qu’il donnait et ceux que Beaurevers lui avait fournis. Elle put se convaincre ainsi qu’il ne cherchait pas à farder la vérité. Le résultat de cette constatation fut qu’elle modifia son attitude, qui se fit moins raide.
    « Ainsi, fit-elle quand il eut terminé, sur treize hommes que vous aviez, quatre sont morts, cinq sont grièvement blessés, le reste est plus ou moins éclopé. L’escadron de fer dont vous êtes le chef se trouve à peu près décimé. Tout cela parce que vous avez trouvé vingt hommes, il fallait en prendre cinquante… mais il fallait réussir coûte que coûte. Prenez garde, Rospignac, je n’aime pas les maladroits, ni les malchanceux ! »
    Malgré elle, elle s’était animée. La voix était devenue menaçante, le regard avait repris sa dureté.
    Rospignac se vit perdu. Il joua le tout pour le tout, et d’accusé, se fit accusateur.
    « Eh ! Madame, fit-il d’une voix rude, j’ignorais ce Beaurevers que l’enfer engloutisse, moi ! Mais vous le connaissiez, vous… Pourquoi ne m’avez-vous pas averti ?… Malchanceux, maladroit, c’est bientôt dit, madame… Encore faudrait-il renseigner les gens avant de les accabler de reproches.
    – C’est vrai, c’est de ma faute. J’ai oublié Beaurevers… Ou plutôt je ne le savais pas contre moi. Le mal est fait, n’en parlons plus. »
    Rospignac respira.
    Catherine réfléchit un instant et :
    « Ne m’avez-vous pas dit que vous haïssiez de haine mortelle ce comte de Louvre que je ne connais pas ?
    – Non, madame, je ne le haïssais pas à ce moment-là… Mais je le hais maintenant. »
    Il n’y avait pas à se tromper à cet accent. On y sentait gronder une haine féroce. Catherine dressa l’oreille aussitôt. Et, se faisant aimable :
    « Ah ! Vous le haïssez, maintenant ? Pourquoi ? » Et comme Rospignac esquissait un geste vague :
    « Allons, Rospignac, tu sais bien qu’on peut tout me dire à moi. Parle. Il y a une femme entre vous ?
    – Vous avez l’œil de Dieu, madame, on ne peut rien vous cacher.
    – Qui est cette femme ?
    – Une diseuse de bonne aventure, dont Votre Majesté a peut-être entendu parler, car tout le monde la connaît à Paris.
    – On l’appelle ?
    – Fiorinda, madame.
    – Une Italienne !
    – Non pas. Une Parisienne. Pourtant, ce nom…
    – Quelque surnom, sans doute.
    – Et tu dis que le comte de Louvre est en amoureux ?
    – Je n’oserais affirmer qu’il est amoureux, lui. Mais je crois… qu’il est… aimé… Et cela suffit. »
    Les mots sortaient péniblement. Catherine fut fixée. Elle sourit doucement en se disant :
    « Jalousie !… Il faudra faire en sorte que cette jalousie tourne à mon profit. »
    Et tout haut, doucereuse, elle consola :
    « Bah ! Je ne suis pas en peine de toi. Ne t’appelle-t-on pas le beau Rospignac ? Ta belle s’humanisera. »
    Et sans paraître remarquer les grincements de dents de Rospignac, sérieuse :
    « J’ai besoin de savoir exactement ce qu’est cette espèce de bohémienne, cette Fiorinda. Tu t’informeras et tu me feras part de ce que tu auras appris.
    – Bien, madame.
    – Revenons à ton affaire. Si tu veux te débarrasser de ce comte de Louvre qui te gêne, il faut que tu te débarrasses tout d’abord de Beaurevers.
    – C’est ce que j’étais en train de me dire, madame.
    – Oui, tu es intelligent, Rospignac. Et c’est pourquoi je t’ai attaché à ma personne. Va, Rospignac, occupe-toi de Beaurevers sans plus tarder. »
    Et sur un ton où l’on sentait gonder la menace :
    « Pas d’échec, cette fois-ci… Tu es averti maintenant, tu comprends ?
    – À merveille, madame… Aussi vous pouvez croire que je ferai de mon mieux. »
    Il s’inclina et se dirigea vers la porte. Au moment où il l’atteignit :
    « À propos, dit Catherine, n’es-tu pas quelque peu parent ou allié de la famille du sire vidame de Saint-Germain ?
    – Oui, madame », répondit Rospignac avec un sourire assez équivoque.
    Et il

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