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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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l’irriter et elle se planta
devant moi, les mains sur les hanches.
    « D’où vient que les hommes croient les femmes trop
fragiles pour voir du sang ? Oubliez-vous que nous saignons tous les
mois ? Nous mettons nos bébés au monde dans de grands bains de sang,
imaginez-vous que nous tournons la tête pour ne pas attenter à la délicatesse
de nos sentiments ? Je vous le promets, docteur Bruno, n’importe quelle
femme est capable de regarder du sang avec plus de courage qu’un soldat, même
si les hommes croient qu’il faut nous traiter comme du verre de Venise. Ne vous
mettez pas du côté de ceux qui veulent m’envelopper dans du lin et me ranger
dans une boîte. »
    Surpris par la hargne de sa diatribe, j’étais obligé de
concéder qu’elle avait raison. Pourtant, j’avais été chargé de protéger la
dépouille de Mercer des curieux. Je m’avançai donc encore de quelques pas,
jusqu’à me trouver tout près d’elle.
    Je m’aperçus alors qu’elle était presque aussi grande que
moi, ce qui me déconcerta.
    « Je n’y songe pas. Néanmoins, mademoiselle Underhill,
je vous implore de ne pas vous approcher. Le corps a été gravement mutilé. Ce
serait pénible, quelle que soit votre constitution. »
    Elle ne bougea pas tout de suite, puis son sens inné de la
bienséance lui dicta de reculer. L’expression de défi céda la place à une
curiosité anxieuse.
    « Qu’est-il arrivé, alors ?
    — Un homme a été attaqué par un chien sauvage. Norris a
tué le chien, pas l’homme. »
    Elle plissa le front.
    « Un chien  ? Dans le jardin  ?
Attendez… » Elle secoua la tête, agitée, comme si les questions se
présentaient à elle en désordre. « Quel homme ?
    — Roger Mercer.
    — Non. Oh non ! répéta-t-elle en portant une main
à sa bouche, l’autre à sa poitrine. Non ! »
    Elle roula follement des yeux, après quoi elle s’affala
lentement au sol, sa jupe s’étalant autour d’elle, la main toujours pressée sur
ses lèvres. Je ne savais trop si elle allait pleurer ou crier, mais son visage
devint blanc comme un linge.
    « Oh, mon Dieu, ce n’est pas possible ! »
    Je m’accroupis à côté d’elle et posai une main timide sur
son épaule.
    « Je suis désolé. Vous l’aimiez beaucoup ? »
    Elle me considéra d’un air stupéfait en hochant la tête.
    « Oui… Oui, bien sûr… J’habite ici, les professeurs
sont comme des membres de ma propre famille depuis six ans. Pauvre, pauvre
Roger. » Elle scruta la forme gisant dans l’herbe derrière moi et
frissonna. « Si seulement… »
    Passant son pouce sur le coin de ses lèvres, elle n’alla pas
plus loin.
    « Si seulement ? » l’encourageai-je.
    Elle se contenta de secouer la tête et recommença à regarder
partout avec frénésie.
    « Mais où est maître Norris ?
    — Votre père l’a envoyé se changer. Apparemment, sa
tenue n’était pas adéquate. »
    Elle eut un rire doux, plein d’indulgence, et je sentis
soudain la morsure inattendue de la jalousie. Était-elle éprise du jeune
coq ?
    « Un chien, alors ? » reprit-elle d’une voix
songeuse, troublée. Elle se passa la main dans les cheveux. « D’où
venait-il ?
    — Le portail du jardin a dû rester ouvert pendant la
nuit. On dirait qu’un chien errant a réussi à entrer. Il était tellement affamé
qu’il aurait attaqué n’importe qui. »
    J’avais récité ma leçon d’une voix aussi neutre que
possible, mais les yeux de Sophia se fermèrent à demi, pareils à des fentes.
    « Non. Le portail ne reste jamais ouvert. Père est
inflexible, il a peur qu’un vagabond ou un intrus ne pénètre ici la nuit, ou
que les étudiants ne viennent y retrouver les filles des cuisines. Il le
vérifie chaque soir à dix heures avant de se retirer. Il n’oublierait pas
davantage le portail que ses prières ou son travail. C’est impossible.
    — Peut-être a-t-il confié cette tâche au gardien hier
soir, comme il recevait à souper. »
    Je me disais qu’il était absurde de défendre un mensonge
alors que j’avais plutôt envie d’évoquer mes soupçons avec elle.
    « On m’a dit que le gardien est un vieil ivrogne
indigne de confiance. »
    Au regard qu’elle m’adressa, j’eus l’impression de l’avoir
déçue.
    « Cobbett est un vieil homme, oui, et il aime bien
boire un verre de temps à autre, mais il est au collège pratiquement depuis son
enfance et si mon père lui avait confié une telle

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