Le prix du secret
les devants, lui expliqua Jenkinson. Heureusement pour nous – et pour Fran Dale qui, dans sa prison, attend en priant sa libération –, nous soupçonnions qu’on tenterait de s’emparer du trésor. Nous ignorions à quel moment, mais nous nous tenions prêts. Les sacs que nous portions en sortant de l’entrepôt – et les deux autres que nous avions laissés dedans, sur le plancher – n’étaient qu’un leurre.
— Nous avons acheté notre fausse marchandise hier, précisai-je, et Longman l’a conservée dans la barque louée. Nous avons tout emporté à l’intérieur. Une fois le vrai trésor trouvé, nous avons ajouté quelques beaux objets au-dessus des articles sans valeur, afin que cela paraisse plus convaincant. Mais, pour l’essentiel, Wilkins ne nous a pris que des assiettes et des gobelets en vulgaire métal, plaqué d’or ou d’argent.
— Pas de la quincaillerie, mais rien qui vaille grand-chose, poursuivit Jenkinson. Le genre d’objets qu’achètent ceux qui veulent produire de l’effet, mais ne peuvent se payer de la belle qualité. Une seule des figurines que vous venez de voir contient plus d’or que le mince placage de ce qu’on nous a volé. Dame Blanchard avait emprunté de l’argent pour servir ce dessein. Nous avons feint devant Wilkins d’être déçus par ce que nous avions trouvé. Avec un peu de chance, il continuera à croire que son butin inutile est bien le fruit de nos recherches. Vous auriez dû pleurer, madame, me dit-il, un peu réprobateur. Sangloter de rage et de désespoir. Cela aurait renforcé la supercherie.
— La vue des arbalètes m’ôtait tous mes moyens, confessai-je. Cependant, le plan s’est bien déroulé.
— Vous avez fait preuve de beaucoup de courage. Maintenant, dit-il, reprenant son air sévère, à vous de narrer la suite. Voulez-vous relater aux personnes présentes votre altercation avec le Dr Wilkins, qui est, selon vous, au cœur de cette affaire ?
Il était temps pour moi de témoigner. Je m’étais préparée, mûrissant mes paroles.
— Comme vous le savez tous, l’époux dont je suis séparée réside en France. Il a appris ma présence et m’a envoyé un message, demandant à me voir. J’ai accepté. Mais j’ai été suivie par deux des hommes qui m’escortaient sur ordre de Sir William Cecil, et par un des vôtres, messire Blanchard – Searle, qui hélas n’est plus. Ce n’était pas la première fois que l’on m’épiait, mais c’est seulement cette nuit-là que j’ai compris pourquoi. Mon mari est recherché en Angleterre en raison de… des informations en sa possession, et l’on supposait que ma présence en France le pousserait à se montrer au grand jour. Les hommes de Cecil me suivaient dans l’espoir que je les conduirais à lui, et qu’ils pourraient l’arrêter. Dieu soit loué, Matthew s’est échappé. Cependant, du fait que Searle leur prêtait main-forte, je soupçonne que vous étiez complice de cette conspiration, messire Blanchard. Votre mal mystérieux, au Cheval d’or, était censé me retenir non loin du domaine de Matthew, dans la vallée de la Loire. Non que je vous en blâme. Vous avez sans doute été contraint d’obéir aux ordres de Cecil.
— Oui, avoua mon beau-père, laconique.
— Plus tard, à l’abbaye, j’ai rencontré le Dr Wilkins, que j’ai connu l’an dernier, en Angleterre. Il ne m’aime pas. Il m’a accusée d’avoir conduit les hommes de Cecil à Matthew de propos délibéré. C’est absolument faux, mais il a refusé de me croire. Il m’a menacée. Alors, il a remarqué que Dale et moi sommes très attachées. Afin de me punir, il a ourdi un plan pour la faire arrêter. On a fouillé ses bagages, où, pour les motifs que vous savez, elle conservait du poison. Maintenant les autorités l’accusent de tentative de régicide. Pour tout machiner, Wilkins devait savoir à l’avance qu’on découvrirait du poison parmi les affaires de Dale. Comment l’a-t-il appris ?
Un ange passa. Je sentais l’embarras se transformer en peur chez une des personnes de l’assistance. Mais je ne pouvais montrer aucune pitié. Je pensai à l’horreur qui menaçait ma chère Fran Dale ; alors, je m’éclaircis la gorge et continuai.
— J’ai d’abord supposé qu’on l’avait découvert lors d’une fouille antérieure de nos bagages, alors que nous venions d’arriver au Cheval d’or.
Je marquai une pause sans que personne ne bougeât ou
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