Le prix du secret
mourrai si on me laisse ici ! Oh, Roger ! Madame ! J’ai tellement peur !
— Nous vous sortirons de là, promis-je. Tout ira bien, Dale.
— Ils disent que j’ai voulu empoisonner la reine et que, même s’ils ne peuvent le prouver, ils me jugeront pour… pour…
— Pour hérésie, termina Clairpont.
Dale hurla et secoua les barreaux de désespoir.
— Nous prierons pour vous, assura mon beau-père. Nous sommes tous de votre côté. J’ai l’impression de me retrouver dans un monde de fous, ajouta-t-il à mon adresse. Cela ne peut être réel.
Hélène dit avec empressement, en anglais :
— Mais, Dale, si vous embrassiez la vraie foi, je suis sûre…
— Oui, dis tout ce qu’ils voudront, Dale, tout ce qui pourra te sauver, la supplia Brockley.
— J’y suis prête, mais ils me tueront quand même, je le sais ! gémit-elle.
Et comment la tueraient-ils ? Je n’osai l’imaginer. Je me tournai vers Clairpont.
— Pourquoi agissez-vous ainsi ? Vous ne pouvez croire qu’il y ait une once de vérité dans cette accusation ridicule !
— Nous saurons la faire apparaître au grand jour.
— Cela signifie-t-il ce que je crains ? Vous forcerez cette malheureuse à avouer coûte que coûte, mais ce ne sera pas la vérité !
Il haussa les épaules. Je sus que si je posai la main sur sa peau nue, elle serait froide comme de la glace.
— Je suis un loyal serviteur de Sa Majesté la reine Catherine et de la cause catholique. J’extirperai leurs ennemis où que je les trouve. Il se peut que des innocents souffrent parfois avec les coupables. Des catholiques innocents ont déjà été assassinés par les huguenots, n’est-ce pas ? Cela arrive, en temps de guerre.
Il avait parlé en français, cette fois, et Dale, le visage pressé contre les barreaux, l’entendait mais ne pouvait le comprendre. Ses yeux terrorisés me demandaient ce qu’il disait, m’imploraient de lui répondre qu’il admettait son erreur.
Mais je ne le pouvais pas. Nous dûmes nous en aller et la laisser là. J’eus la même impression qu’à des obsèques, quand vient le moment de tourner le dos et d’abandonner l’être aimé à sa solitude, dans la terre froide. Peu à peu, l’écho de ses pleurs décrut derrière nous.
Mais j’avais encore une arme entre les mains, ou plutôt à mon doigt. Clairpont nous quitta devant la porte de notre suite, nous priant de nous tenir à la disposition des enquêteurs. J’expliquai aux autres :
— Je dois voir Sir Nicholas sans tarder. Je retourne au banquet.
Blanchard et Brockley m’accompagnèrent. Nous arrivâmes au bon moment. Le festin venait de s’achever et les gens partaient. J’aperçus Throckmorton traverser l’antichambre avec un groupe de gentilshommes, et me dirigeai bien vite vers lui.
— Sir Nicholas !
Il s’arrêta avec courtoisie.
— Dame Blanchard ! Je vous ai vue quitter la salle. Que se passe-t-il ?
— Pouvons-nous vous entretenir en privé ?
— Certes.
Il s’excusa auprès de ses compagnons et m’entraîna à l’écart du flot de convives. Nous le mîmes au courant, puis je tendis ma main parée de l’anneau.
— Le reconnaissez-vous ?
— Qu’est-ce que cela signifie ? s’étonna Blanchard.
— Rien d’inquiétant, messire. Juste un petit signe que la reine Élisabeth fournit parfois à ceux qui la servent, pour les aider, répondit Throckmorton, dont le regard sérieux se posa alors sur moi. Vous souhaitez l’utiliser afin de parler à la reine Catherine ?
— Oui, de toute urgence. Je pense qu’elle a reconnu cette bague lors de l’audience de présentation.
— Retournez à vos appartements et prenez patience. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir.
CHAPITRE XIII
Paroles d’or
L’attente fut terrifiante. Brockley était désespéré. Je ne l’avais jamais vu ainsi. Depuis que je le connaissais, il s’était montré solide comme un roc, mais cette fois, c’est lui qui dépendait des autres pour ne pas s’effondrer. Tantôt il faisait les cent pas en maugréant, frappant les meubles du poing, tantôt il restait assis les yeux dans le vague, comme s’il contemplait un cauchemar visible pour lui seul. William Harvey avait eu le bon sens de réclamer à boire et à manger, mais Brockley ne voulait toucher à rien.
Pour ma part, je mis à profit une partie de cette attente fastidieuse en questionnant Hélène. N’avait-elle pas fouillé nos bagages à
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