Le retour de la mariée
je suis toujours ton père. Je ne t’abandonne pas, comprends-le bien. En cas de nécessité, tu vas au bureau de la Wells Fargo. Où que je sois, ils savent où me trouver, grâce à leur réseau. Si tu as vraiment besoin de moi, je me débrouillerai pour rentrer à Fort Worth, le plus vite possible.
— Mais alors… ça veut dire que tu rentreras seulement si je t’appelle ? Qu’autrement, tu ne rentreras pas ?
Sa question resta sans réponse. De son observatoire, Caroline vit soudain son fils changer d’attitude. Toute trace de respect ou d’affection avait disparu de son visage. Ses mains n’étaient plus dans ses poches. Il fermait les poings, à présent, et lançait à son père un regard de colère et de défi.
— Jamais je ne t’appellerai. Jamais je n’aurai besoin de toi, dit-il froidement.
Logan rentra la tête, comme s’il venait de recevoir un coup.
— C’est bon. J’ai tout compris, reprit Will. Il est temps que tu partes. Tu nous as assez vus, comme tu avais assez vu maman, la première fois. Il faut être un fou ou un lâche pour refuser ce qu’elle t’a offert, ce que nous avons à t’offrir. Qui es-tu, Logan Grey ? Un fou, un lâche ? Les deux, peut-être ?
Logan ouvrit la bouche. On aurait pu croire qu’il allait protester. Mais il la referma aussitôt.
— J’ai voulu te ressembler, poursuivit Will. Parce que moi aussi je suis fou, sans doute. Mais je ne suis pas un lâche. J’ai le courage de te dire ce que je pense. Tu passes pour être l’homme le plus chanceux du Texas… eh bien je crois que c’est vrai. Il faut que tu en aies eu, de la chance, pour que maman se marie avec toi.
— Je le pense aussi, dit Logan. En fait de chance, je ne pouvais rêver mieux. Sans elle, tu ne serais pas là. Je n’aurais jamais cru qu’un jour j’aurais la chance d’avoir un fils.
— Un fils que tu abandonnes pour aller voir ce qui se passe au Tennessee !
— Tu te trompes, Will, tu ne peux pas comprendre. Ma réputation d’homme chanceux, je l’usurpe, je suis poursuivi par la malchance, au contraire !
Caroline le vit jeter un coup d’œil vers la fenêtre, comme s’il lançait un appel au secours. Qu’il s’en sorte seul, cette fois. Que Will lui dise sa façon de penser, il en avait le droit.
— Elle a bon dos, la malchance ! Maman est amoureuse de toi, c’est de la malchance ? Tu es le plus heureux des hommes, au contraire !
— Tu ne m’apprends rien.
— Alors pourquoi l’abandonnes-tu ? cria Will d’une voix déchirante, sanglotant presque. Pourquoi est-ce que tu m’abandonnes, moi ? murmura-t-il encore, la voix brisée.
— Je ne veux pas vous abandonner, répondit Logan, accablé, en secouant pitoyablement la tête. Je ne peux pas rester avec vous, je ne le peux pas, c’est tout.
— Tu ne veux plus de nous ? Alors nous ne voulons plus de toi ! Sans toi je ne serais pas là, mais tu n’es pas mon père !
Logan eut un mouvement de révolte.
— Je serai toujours ton père, William !
Son fils s’essuya les yeux et le nez de sa manche, et fit un grand geste qui aurait pu passer pour ridicule s’il n’avait été aussi émouvant, le doigt pointé vers le lointain.
— Va-t’en, Lucky Logan Grey ! Va t’en au diable !
Caroline le vit courir jusqu’au fond du jardin et s’agenouiller pour prendre Finaud dans ses bras. Tout comme elle, Logan regarda son fils pleurer en serrant contre lui son chien.
Elle quitta la fenêtre, jeta un coup d’œil au miroir et prit soin de s’essuyer les yeux, pour cacher son chagrin. Les deux hommes de la maison avaient le cœur brisé. Elle les plaignait assez pour ne pas avoir à s’attendrir sur sa propre détresse.
En descendant l’escalier, elle vit la valise que Logan avait laissée là. Avait-elle raison de ne pas le retenir ? Si elle lui demandait de rester, après l’épreuve qu’il venait de subir, il n’oserait sûrement pas refuser…
Il entra dans la cuisine, le regard triste, le visage défait. Une vague de compassion s’empara d’elle.
— Cela s’est assez bien passé, prétendit-il contre toute évidence.
— Il a hérité de mon mauvais caractère, prétendit-elle à son tour, mais il se reprend vite, tout comme moi.
Logan hocha la tête en soupirant, et souleva sa valise.
— Caroline, tu vas me manquer, murmura-t-il.
— J’espère bien ! répliqua-t-elle avec autant de bonne humeur qu’elle le put.
Elle le serra fort dans ses bras
Weitere Kostenlose Bücher