Le retour

tourna vers le vendeur.
     
    - C'est encore
pas mal d'argent, laissa-t-elle tomber, comme si elle était près de succomber à
la tentation.
     
    - Il y en a des
moins chers, madame, reprit le vendeur, très poli. Regardez celui-là, dit-il en
lui montrant un téléviseur dans un simple boîtier en bois. Il est en spécial à
quatre cent trente-cinq dollars. Entre nous, il joue aussi bien que les autres.
La seule différence, c'est qu'il est pas encastré dans un meuble. On peut le
mettre sur une table de salon, et ça fait la même chose.
     
    - Oui, mais il
est pas mal plus petit et moins beau, dit Laurette avec un mince sourire en
quittant le vendeur.
     
    Le fait de ne pas
avoir pu rencontrer Jean-Louis lui avait enlevé toute envie de faire la tournée
des magasins.
     
    Comme elle était
déjà sur les lieux, elle fit le tour de quelques rayons et s'attarda un peu à
celui des vêtements féminins. Parmi les robes suspendues à des cintres, elle ne
trouva rien qui lui plut vraiment.
     
    - Je suis pas
pour brailler comme une Madeleine et aller m'enfermer dans la maison pour ce
maudit sans-
    coeur-là, se
raisonna-t-elle en quittant Dupuis frères. Je dîne et après, je me trouve une
robe qui a du bon sens, pas trop chère.

 
    Elle poursuivit
sa route vers l'ouest en s'arrêtant de temps à autre devant des vitrines. Elle
s'arrêta finalement
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    devant son
restaurant préféré dont l'atmosphère feutrée lui donnait toujours l'impression
de faire une incursion dans le monde des riches. Elle poussa la porte, trouva
une table libre et alla s'asseoir sur un siège en moleskine rouge vin.
     
    Avant même que la
serveuse soit venue lui présenter un menu, elle avait eu le temps d'allumer une
cigarette et de glisser ses pieds hors de ses souliers sous la table. Elle ne
prit pas la peine de consulter le menu cartonné et illustré que lui tendait la
jeune femme à l'air morose.
     
    - Un club
sandwich, un gros Coke et un sundae au chocolat, commanda-t-elle sèchement
après avoir remarqué que la serveuse ne l'avait pas saluée.
     
    Elle dut attendre
une dizaine de minutes avant que cette dernière vienne déposer devant elle,
sans trop de délicatesse, un grand verre de boisson gazeuse et son club
sandwich accompagné d'une salade de choux et d'une généreuse portion de frites.
Laurette lui jeta un regard venimeux et se garda bien de la remercier.
     
    Elle mangea avec
son solide appétit coutumier. Un pareil festin lui faisait oublier ses
malheurs. Lorsqu'elle eut avalé sa dernière frite, elle but une bonne gorgée de
Coke avant de jeter un coup d'oeil autour d'elle pour repérer la serveuse qui,
à aucun moment, n'était venue s'enquérir de ses besoins durant son repas.
     
    Elle attendit une
minute ou deux pour voir si elle allait daigner lui apporter son dessert, mais
l'autre semblait plus intéressée à échanger avec une collègue, debout derrière
la caisse enregistreuse, qu'à s'occuper de ses clients.
     
    Laurette se mit à
pianoter nerveusement sur la table.
     
    - Viarge!
dit-elle à mi-voix. Je suis pas pour passer l'après-midi à niaiser ici dedans à
attendre qu'elle se réveille. Mademoiselle! fît-elle d'une voix forte en lui
faisant un signe de la main.
     
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    La serveuse prit
le temps de finir ce qu'elle était en train de raconter à sa compagne avant de
daigner s'approcher de la table occupée par sa cliente.
     
    - Quand vous
aurez fini de raconter votre vie, peut-
    être que vous
pourriez m'apporter mon sundae, lui commanda-t-elle sur un ton sec. Ça fait dix
minutes que j'attends après! Apportez-moi la facture en même temps.
     
    - Tout de suite,
fit l'autre sans même s'excuser de l'avoir fait attendre.
     
    Un instant plus
tard, la serveuse déposa devant elle une coupe de crème glacée nappée de sauce
au chocolat, panachée de crème chantilly et décorée d'une grosse cerise rouge. Elle
laissa sur le coin de la table l'addition avant de se retirer. Elle retourna à
sa conversation interrompue.
     
    Laurette savoura
son dessert avant d'allumer une cigarette qu'elle prit le temps de fumer
entièrement avant de vider son verre de Coke. Elle chaussa ses souliers, prit
son sac à main et se dirigea vers la caisse pour payer son repas. Elle ignora
ostensiblement celle qui l'avait servie.
     
    Elle tendit un
cinq dollars à l'employée responsable de la caisse, compta et remit la monnaie
dans son sac à main avant de se diriger vers la porte, sans laisser le