Le retour
moindre
pourboire.
- Ça lui
apprendra à servir ses clients comme du monde, se dit Laurette, vindicative.
Une fois sur le
trottoir, elle se demanda durant un moment si elle devait poursuivre sa route
vers l'ouest ou revenir lentement à pied vers l'est. Après une brève
hésitation, elle tourna les talons et décida de faire ce qu'elle appelait son
"magasinage" dans l'est parce que, à son avis, les prix y étaient
moins élevés.
Laurette choisit
de déambuler sur le côté nord de la rue Sainte-Catherine. Elle connaissait
quelques magasins de lingerie féminine où elle aurait une chance de trouver ce
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qu'elle désirait
à un prix raisonnable. L'achat d'une robe représentait pour elle une dépense
importante et n'était pas motivé par un caprice. Ce n'était pas pour rien que
sa robe la plus récente datait de plus de quatre ans. Elle avait beau ne porter
sa robe bleue que pour la messe du dimanche et ses sorties, elle était usée et
démodée.
- J'ai l'air
d'une vraie maudite folle là-dedans, se dit-
elle en songeant
à cette robe toute simple qu'elle avait de plus en plus de mal à endosser. Je
pense qu'elle a dû rétrécir à la longue au lavage.
En apercevant la
Pharmacie Montréal, célèbre dans toute la ville pour avoir remplacé ses portes
vitrées par un courant d'air chaud, elle se souvint qu'elle avait besoin
d'acheter une permanente. Elle traversa la rue et entra dans la pharmacie. La
vue d'une personne bien en chair en train de se peser sur un pèse-personne lui
rappela un souvenir pénible et elle fit un détour pour ne pas se trouver à
proximité de l'appareil.
Elle trouva
rapidement une boîte contenant une permanente de marque Toni sur une étagère et
vint payer à la caisse avant de quitter l'endroit.
Quelques mètres
plus loin, elle s'arrêta brusquement devant une vitrine où une demi-douzaine de
mannequins portait des robes et des jupes à la dernière mode. Deux femmes, qui
s'étaient immobilisées à ses côtés, ne cessaient de s'exclamer devant une jupe
noire rendue très attrayante par ses multiples plis.
Laurette décida
d'entrer. Elle poussa la porte du magasin et se retrouva devant trois vendeuses
âgées d'une trentaine d'années. Elles lui sourirent et la laissèrent fureter à
son aise durant quelques minutes dans la boutique.
Elle décrocha des
tringles, palpa des tissus et parfois, plaça la robe devant elle pour en juger
l'effet sur elle devant l'un des nombreux miroirs dont était pourvue la
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boutique. Chaque
fois, elle finissait par soulever l'étiquette sur lequel le prix était indiqué
pour essayer de déchiffrer ce dernier, mais elle voyait embrouillé.
- Ils écrivent le
prix ben petit, bonyeu! jura-t-elle avec mauvaise humeur en se décidant enfin à
tirer de sa bourse sa paire de lunettes, qu'elle ne portait habituellement que
pour lire le journal.
Elle regarda
alors le prix affiché pour une robe bleu nuit toute simple en tissu soyeux.
Elle sursauta légèrement.
- Elle est à prix
coupé, fit la voix aimable de l'une des vendeuses qu'elle n'avait pas vue
arriver dans son dos.
- Cinquante
piastres! s'exclama Laurette. Puis, le prix est coupé, à part ça! Mais elle est
donc ben chère!
- C'est de la
soie, madame, répliqua la vendeuse.
On la vendait
soixante-dix-neuf dollars jusqu'à la semaine passée.
- Et vous l'avez
pas vendue non plus, répliqua sèchement Laurette en raccrochant la robe pour en
prendre immédiatement une autre, un peu plus loin.
- Peut-être que
je pourrais vous aider dans votre choix, madame, fit la jeune femme, toujours
aussi aimable. Si vous me disiez quelle grandeur vous habillez, ajouta-t-elle
pleine de tact, je pourrais vous indiquer ce que nous avons à vous offrir. Nous
en avons pour tous les goûts et toutes les bourses, vous savez.
Laurette hésita
un court moment avant de dire dans un souffle qu'elle portait du seize ans. La
vendeuse la jaugea d'un seul coup d'oeil, mais ne se permit aucune remarque.
Elle l'entraîna
vers le fond de la boutique. Elle s'arrêta devant deux tourniquets supportant
chacun une vingtaine de robes dont la plupart étaient fleuries.
- Je pense que
vous allez trouver ici un bon choix, madame. Fiez-vous pas aux grandeurs
indiquées sur les
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étiquettes. Il y
a des robes pour les tailles de quatorze à vingt-quatre ans. Des seize ans
peuvent vous sembler trop petites. Ça dépend des
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