Le retour
demander ce que vous en avez
fait, ajouta Denise, l'air de ne pas y toucher.
- Attends!
Énerve-toi pas, lui dit abruptement son patron. Ça se peut ben. Moi, j'ai de
l'ouvrage par-dessus la tête. Je suis pas payé pour faire le facteur.
Ce disant,
Antoine Beaudry se pencha et se mit à farfouiller sur une tablette, sous le
comptoir. Finalement, il en tira deux petites enveloppes blanches.
- Ça se peut que
ce soit ça, dit-il avec une mauvaise foi criante en les lui tendant. Ça a dû me
sortir de l'esprit.
Je me suis plus
rappelé pantoute de ces lettres-là.
- Merci, dit
sèchement Denise.
- Dis donc à ton
chum de t'écrire directement chez vous, la prochaine fois. Comme ça, il aura
pas à me déranger.
- Je vais tout
lui expliquer ça, fit la jeune vendeuse en lui jetant un regard chargé de
rancune.
Avec le mois de
novembre arrivèrent les premiers flocons de neige de l'hiver. Peu à peu, le
froid s'installait sur Montréal, rosissant les joues et pinçant les oreilles.
415
Maintenant,
l'obscurité tombait avant l'heure du souper et les Morin devaient chauffer la
fournaise au charbon du couloir jour et nuit s'ils désiraient maintenir une
certaine chaleur dans l'appartement.
Un mardi soir,
Laurette et ses filles venaient de terminer le rangement de la cuisine après le
repas quand quelqu'un vint frapper à la porte d'entrée. Richard alla ouvrir et
fit entrer Rose Beaulieu qui avait jeté un grand châle sur ses épaules massives
avant de descendre.
- M'man, c'est
madame Beaulieu, annonça l'adolescent avant de retourner dans sa chambre.
Laurette
s'empressa d'aller au-devant de sa voisine avec qui elle avait eu l'occasion de
parler à quelques reprises depuis le début de l'automne, particulièrement
lorsqu'elle étendait son linge sur sa corde.
- Entrez, madame
Beaulieu, l'invita-t-elle en se présentant à l'entrée du couloir. Venez vous
asseoir. Il fait plus chaud dans la cuisine.
- Ça fait
longtemps que je voulais venir jaser avec vous, madame Morin, mais chaque fois
que je me préparais à descendre, il y avait toujours quelque chose pour m'en
empêcher, expliqua la voisine en s'avançant dans le couloir.
À soir, mon
garçon s'en va voir la lutte au Palais des sports, sur la rue Poupart, et mon
mari travaille de nuit. Ça fait que je me suis dit que si je descendais pas à
soir, je descendrais jamais.
À l'entrée de la
voisine dans la cuisine, Carole s'installait à la table pour faire ses travaux
scolaires.
- Vous avez ben
fait, l'approuva Laurette. C'est tranquille ici dedans aussi. Mon mari
travaille lui aussi. Ma plus vieille est en train de lire dans sa chambre. Mes
deux garçons s'en vont faire un tour chez des amis. Assoyez-
vous. On va
pouvoir jaser tranquillement en buvant une tasse de café. Prenez une des deux
chaises berçantes.
416
Laurette était
heureuse de cette visite inattendue. Sans l'avouer ouvertement, elle s'ennuyait
un peu depuis qu'elle avait cessé de travailler à l'extérieur. Passer ses
journées entre quatre murs, attentive à ne pas faire de bruit pour ne pas
réveiller Gérard, devenait pénible à la longue. Le contact quotidien avec des
femmes de son âge lui manquait beaucoup plus qu'elle ne l'avait imaginé. Elle
n'aurait jamais cru qu'elle finirait par regretter le temps où elle travaillait
chez Viau.
Elle s'ennuyait
surtout de ses amies Dorothée et Lucienne avec qui elle avait partagé tant de
secrets et tant de bons moments. Comme elle s'y était attendue, Dorothée
n'avait pas trouvé le moyen de se libérer de son mari un seul soir pour venir
lui rendre visite. Pour sa part, Lucienne lui avait téléphoné une seule fois et
elle avait été étonnée de se sentir si peu intéressée par les ragots concernant
les femmes et les filles avec qui elle avait travaillé chez Viau.
Elle servit une
tasse de café à Rose Beaulieu et s'assit dans l'autre chaise berçante.
- Comme ça, votre
gars aime la lutte, fit Laurette pour engager la conversation.
- Je comprends.
Je pense qu'il en mangerait s'il le pouvait. Quand ils ont démoli le four à
chaux sur Poupart pour construire le Palais des sports, il a commencé à suivre
son père pour aller voir les matchs de lutte. A soir, il aurait pas manqué ça
pour une terre. Il paraît qu'il y a un combat entre Yvon Robert et Vladek
Kowalski et un autre entre Jean Rougeau et Mad Dog Vachon. Ça a tout pris
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