Le retour
pour
que mon mari aille travailler à soir. Il était prêt à se faire couper du salaire
pour y aller, lui aussi.
- Chez nous,
c'est pas la lutte qui intéresse les garçons, c'est le maudit hockey. Ils
parlent juste de ça. C'est une vraie religion. Le samedi soir et le dimanche
soir, ils ont les oreilles collées sur le radio. Mon mari est aussi pire
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qu'eux autres. Il
y a pas moyen de le décoller de la maison quand il y a du hockey. Je vous dis
que si je tenais celui qui a inventé ça, je l'étriperais.
- Moi, mon mari
suit pas ça, reconnut la voisine, mais j'aimerais mieux ça que de le voir
revenir de la taverne, soûl comme une botte.
Carole leva la
tête, dérangée par la conversation entre sa mère et Rose Beaulieu. Sans rien
dire, elle rassembla ses effets scolaires éparpillés sur la table et les rangea
dans son sac d'école avant de se lever et d'aller se réfugier dans sa chambre
dont elle referma la porte derrière elle.
- Qu'est-ce que
tu viens faire si de bonne heure dans la chambre? lui demanda Denise, dérangée
dans sa lecture par l'arrivée de sa jeune soeur.
- Comment veux-tu
que j'étudie avec m'man qui parle avec la femme d'en-haut? chuchota Carole.
- Tu pourrais
aller t'installer ailleurs.
- Aie! protesta
l'adolescente. Oublie pas que c'est ma chambre aussi bien que la tienne et que
j'ai le droit d'être ici dedans autant que toi.
- C'est correct.
À cette heure, si t'es venue pour étudier, étudie et ferme ta boîte, fît
Denise, agacée.
Une heure plus
tard, Rose Beaulieu prit congé, apparemment contente d'avoir pu bavarder à son
aise avec sa voisine. Avant de quitter l'appartement des Morin, elle exigea de
Laurette qu'elle promette de lui rendre sa visite avant la fin de la semaine.
Ce soir-là,
Richard et Gilles rentrèrent un peu avant onze heures. Leur mère leur demanda
d'aller chercher un seau de charbon avant de se mettre au lit.
- Si on veut pas
se lever en claquant des dents demain matin, il faut chauffer un peu la
fournaise, expliqua-t-elle avant de disparaître dans sa chambre à coucher.
- C'est à ton
tour, dit Richard à son frère.
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L'adolescent
détestait toujours autant aller chercher du charbon dans la cave à cause de la
présence des rats qui, souvent, se campaient sur le tas de charbon sans bouger,
comme s'ils cherchaient à l'intimider. Il avait beau leur lancer tout ce qui
lui tombait sous la main, rien ne semblait en mesure de leur faire peur.
Gilles s'empara
du seau et descendit chercher du charbon.
Après avoir mis
un peu de charbon dans la fournaise, il éteignit le plafonnier du couloir et
alla se coucher.
Vers une heure du
matin, la sonnerie du téléphone réveilla Laurette en sursaut. Elle s'assit
brusquement dans son lit et regarda autour d'elle dans la pièce plongée dans le
noir. La sonnerie se fit entendre à nouveau, insistante.
- Voyons donc,
bonyeu! jura-t-elle en posant les pieds sur le linoléum glacial. Veux-tu ben me
dire qui appelle à une heure de fou comme ça?
Elle regarda le
réveille-matin dont les chiffres phosphorescents brillaient dans l'obscurité:
une heure dix. Elle ouvrit la porte de la chambre et se précipita vers la
cuisine.
- Il va réveiller
toute la maison, ce maudit téléphone-
là, dit-elle en
s'emparant de l'écouteur. Allô! hurla-t-elle dans l'appareil.
- Laurette? C'est
Bernard.
- As-tu vu
l'heure? lui demanda sa soeur.
La porte de la
chambre des filles s'ouvrit à ce moment-
là. Denise et
Carole, mal réveillées, écoutaient leur mère, l'air interrogateur.
- C'est
Marie-Ange, expliqua Bernard Brûlé. Ses eaux viennent de crever.
- As-tu appelé le
docteur?
- Ben oui, mais
ça répond pas pantoute au numéro qu'il m'a donné, répondit son frère, tout
énervé au bout de la ligne. Qu'est-ce que je dois faire?
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- Est-ce que ça
fait longtemps que le travail est commencé? demanda Laurette en faisant signe
de la main à ses filles de regagner leur chambre.
- Un quart
d'heure. J'ai essayé de téléphoner à Pauline pour pas te déranger. Je sais pas
ce qui se passe avec sa ligne, mais ça sonne toujours occupé.
Laurette se
rappela que la ligne téléphonique double que sa belle-soeur partageait avec une
insomniaque du quartier était, selon Pauline, occupée presque en permanence à
compter de dix heures le soir.
- De toute façon,
Armand travaille de
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