Le retour

Perreault sera pas de bonne humeur pantoute. Il aime ça quand le baptême
se fait vite. Il a raison au fond.
     
    Pourquoi risquer
pour rien que le petit soit dans les limbes s'il meurt avant d'être baptisé.
     
    Au moment où la
porte d'entrée de l'appartement de son frère allait se refermer derrière elle,
Laurette s'arrêta brusquement pour demander à ce dernier:
     
    - A propos, tu
m'as jamais dit comment vous allez appeler votre petit.
     
    - On va l'appeler
Germain. C'était le petit nom du père de Marie-Ange.
     
    - Tu trouves pas
que ça fait un peu vieux comme nom? lui demanda sa soeur.
     
    - Oui. Peut-être.
Mais Marie-Ange y tient.
     
    - On va
s'habituer, affirma Laurette avant de descendre les marches qui la conduisirent
au trottoir de la rue Logan.
     
    Chapitre 17
    Lucille Deux
semaines plus tard, Montréal connut sa première tempête de l'hiver. Ce jour-là,
de lourds nuages violacés s'entassèrent dans le ciel dès le début de l'après-midi,
poussés par un fort vent du nord. La pénombre devint alors telle que Laurette
dut allumer le plafonnier de la cuisine pour poursuivre le raccommodage qu'elle
avait entrepris après le dîner.
     
    Quand Gérard se
leva quelques minutes plus tard, il se planta durant un court moment devant
l'unique fenêtre de la cuisine.
     
    - J'ai
l'impression qu'on va en manger toute une, dit-
    il avant d'aller
se préparer une tasse de café pour s'aider à reprendre pied dans la réalité.
     
    A peine venait-il
de dire cela que les premiers flocons de neige se mirent à voleter dans l'air
avant de venir se déposer dans la cour et sur le toit rouillé du hangar.
     
    En quelques
minutes, l'enfer se déchaîna à l'extérieur.
     
    Le vent se mit à
hurler en projetant de gros flocons à l'horizontale.
     
    Le temps de le
dire, tout le paysage grisâtre et brun de cette fin d'automne se transforma.
     
    - Bonyeu, on
dirait la fin du monde! s'exclama Laurette, qui avait mis de côté sa laine à
repriser pour servir le repas de son mari. J'espère que les enfants auront
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    pas trop de
misère pour revenir à la maison, ajouta-t-elle.
     
    T'as vu ça
comment ça tombe?
     
    - Ça va finir par
se calmer, fît son mari qui venait d'allumer la radio pour écouter les
informations.
     
    Mais le mauvais
temps ne se calma pas, loin de là. Vers la fin de l'après-midi, à la vue de
l'impressionnante couche de neige déjà accumulée sur les trottoirs et dans la
rue, Gérard décida de hâter son départ pour le travail.
     
    - Je pense que je
vais partir tout de suite, annonça-t-il à Laurette.
     
    - Mais il est
même pas encore quatre heures et demie, protesta sa femme.
     
    - Je le sais,
mais j'ai l'impression que je vais avoir de la misère avec les p'tits chars. Ça
doit pas ben rouler pantoute avec ce qui tombe.
     
    Au même moment, à
la radio, Jean-Paul Nolet, lecteur des informations, rapportait que la
circulation automobile dans les rues de la métropole était sérieusement
ralentie par les six pouces de neige déjà tombés depuis le début de
l'après-midi.
     
    Après le départ
de son mari pour se rendre chez Elroy, le téléphone sonna. Laurette se rendit à
l'appareil noir fixé sur l'un des murs de la cuisine sans décrocher l'écouteur
pour autant. Elle le laissa sonner encore à deux reprises en le fixant d'un air
exaspéré.
     
    - Si c'est encore
elle, bout de viarge, je pense que je pique une crise! Si ça continue, elle va
finir par me rendre folle, s'écria-t-elle avant de décrocher l'écouteur.
     
    Elle ne s'était
pas trompée. Il s'agissait encore de sa belle-soeur Marie-Ange qui la harcelait
dix fois par jour pour lui demander les conseils les plus anodins à propos du
bébé. Depuis que sa mère était rentrée chez elle après les relevailles, la
nouvelle maman semblait avoir perdu tous ses moyens, si elle en avait déjà eus.
     
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    - Qu'est-ce qui
se passe encore, Marie-Ange? fît Laurette d'une voix impatiente.
     
    - Laurette,
qu'est-ce que je dois faire? Bernard est pas encore arrivé de l'ouvrage et le
petit saigne.
     
    - Comment ça, il
saigne? Qu'est-ce que tu lui as fait, à cet enfant-là?
     
    - Rien. J'étais
en train de le changer de couche quand son nombril est tombé et...
     
    - Attends une
minute. Il saigne là où le reste du cordon était?
     
    - Ben oui! fît
l'autre, tout énervée.
     
    - C'est pas
grave, ça. Prends de l'alcool, mets-en un peu là où il saigne et mets-lui une
bande par-dessus. Ça va