Le retour
soeur, répondit Laurette en reconnaissant soeur Émilienne,
la religieuse responsable de la salle commune qui abritait son mari depuis
maintenant trois ans.
- Vos deux grands
enfants? demanda soeur Émilienne en adressant un sourire chaleureux à Richard
et Carole.
- En plein ça, ma
soeur. Mes deux plus jeunes.
Carole et Richard
adressèrent un sourire à la petite religieuse qui le leur rendit.
- Si vous
cherchez votre mari, vous allez le trouver dans la salle du deuxième. Je pense
qu'il attendait votre visite.. - Merci, ma soeur.
Laurette entraîna
sa fille et son fils vers l'escalier qu'elle monta lentement en se cramponnant
à la rampe. A son arrivée sur le palier, elle était un peu essoufflée. Elle
s'arrêta un instant pour retrouver son souffle. Lorsqu'elle poussa la porte de
la salle, elle aperçut Gérard, assis à une table au fond de la pièce, devant
une large fenêtre, en train de disputer une partie de dames à Laurier Fontaine,
un patient dont il s'était fait un ami depuis plus d'un an. Absorbé par la
partie, il ne semblait pas avoir remarqué l'arrivée des visiteurs.
Tout en marchant
à sa rencontre, Laurette ne put s'empêcher de détailler celui que la
tuberculose avait éloigné d'elle depuis tant d'années.
Même si l'homme
de quarante-cinq ans avait pris une vingtaine de livres depuis son entrée au
sanatorium, il était demeuré mince et d'apparence très soignée. Il était vêtu
d'un pantalon gris fer et d'une chemise blanche à col ouvert. Ses cheveux
châtain clair rejetés vers l'arrière s'étaient à peine éclaircis depuis qu'il
avait quitté la maison.
98
Ses petites
lunettes à monture métallique lui donnaient toujours cet air sérieux que
démentait en partie sa fine moustache rectiligne. Lés traits détendus et
reposés de son visage contrastaient étrangement avec l'air épuisé arboré par sa
femme.
- Bonjour, p'pa,
fit Carole en s'approchant de son père.
Gérard Morin
sursauta légèrement en apercevant les siens.
- Je vous ai pas
entendus pantoute arriver, dit-il avec un sourire en repoussant son fauteuil
pour se lever.
- Je vous dis que
vous arrivez à temps, vous autres, affirma son adversaire en feignant d'être
contrarié. Il était parti pour en manger toute une.
- Ça, c'est ce
que tu dis, rétorqua Gérard avant d'embrasser Carole et Laurette et de serrer
la main de son fils.
- Bonjour, madame
Morin. Bonjour, les jeunes, salua l'ami de Gérard. Je vous laisse placoter. Je
vais aller voir en bas s'il y a quelqu'un qui avait envie de me voir la face
aujourd'hui.
Sur ce, le grand
homme aux épaules voûtées quitta la salle et referma discrètement la porte
derrière lui.
- Pauvre Laurier!
le plaignit Gérard. Ça fait plus qu'un an qu'il est ici et il a jamais eu une
visite.
- Il aurait dû se
marier et avoir des enfants, fit remarquer Laurette en enlevant son manteau et
en le suspendant au dossier d'une chaise.
- Il m'a dit
qu'il a ben essayé, mais que ça a jamais marché.
- Puis, comment
ça va? demanda Laurette, bien décidée à ne pas se laisser distraire par les
malheurs de l'ami de son mari. As-tu vu le docteur Laramée?
- Mercredi passé.
Les soeurs m'ont amené prendre des nouvelles radiographies de mes poumons.
- Bon.
99
- Il paraît que
je vais avoir des nouvelles dans une semaine ou deux.
- Le docteur t'a
pas dit quand est-ce qu'il va te laisser partir? demanda Laurette, avec un rien
d'impatience dans la voix.
- Non. Je suppose
qu'il attend les résultats des examens. Il veut pas me faire de fausses joies
comme c'est déjà arrivé, ajouta Gérard en faisant référence aux deux occasions
précédentes, où il avait bien cru recevoir son congé.
Déçue, sa femme
fit un effort méritoire pour retrouver un sourire un peu forcé. Depuis plus
d'un an, elle ne rêvait plus que du moment où il reprendrait enfin sa place à
la maison et dans son lit.
- Je t'ai fait du
gâteau aux épices à matin. Je t'en ai apporté un gros morceau, dit-elle en
déposant devant son mari le paquet que Carole venait de lui tendre.
- Il fallait pas
te donner ce trouble-là, dit Gérard
en développant le
morceau de gâteau avec un plaisir évident. Tu sais ben que les soeurs me
laissent pas mourir de faim, même s'il y a pas souvent des changements dans
leur manger.
- Ah! Parlant de
changement, tu vas en trouver un pas mal gros
Weitere Kostenlose Bücher