Le retour

huile
qu'ils tentaient d'introduire dans l'ancien appartement des Gravel. L'un d'eux,
apparemment à bout de patience, blasphémait à perdre haleine contre son lourd
fardeau qui refusait de passer par l'ouverture de la porte.
     
    Laurette s'était
immobilisée devant sa porte malgré la petite pluie fine qui continuait de
tomber, curieuse de voir si on allait parvenir à entrer le poêle. Une fenêtre
s'ouvrit au-dessus de sa tête et une femme cria:
     
    - Victor, ils
sont pas capables de passer le poêle. Ils disent qu'il va falloir que tu viennes
ôter la porte.
     
    Levant la tête,
Laurette aperçut une grosse femme à la figure ronde dont la moitié du corps
était penché à l'extérieur.
     
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    - Qu'ils
attendent une minute, il faut que je passe par en arrière pour pouvoir entrer,
répondit le petit homme en descendant de la benne du camion. René, laisse ta
boîte là et viens m'aider, cria-t-il à son fils qui attendait toujours de
pouvoir monter.
     
    L'adolescent
laissa sa boîte près de la porte, au pied de l'escalier, et suivit son père qui
avait déjà pris la direction de la cour arrière.
     
    A son entrée dans
l'appartement, Laurette fut accueillie par la voix sirupeuse de Tino Rossi
chantant à tue-tête Marinella.
     
    - Voulez-vous ben
me baisser le radio, cria-t-elle du couloir où elle retira son léger manteau de
printemps. On l'entend du coin de la rue.
     
    - C'est pas le
radio, m'man, c'est mon pick-up, répondit Denise en se dirigeant vers sa
chambre à coucher où elle baissa le son de l'appareil.
     
    La mère trouva
tous ses enfants rassemblés dans la cuisine. Denise revint aider Carole à
dresser le couvert pendant que Gilles rassemblait des manuels scolaires encore
épars sur la table.
     
    - Tu parles d'un
temps de chien pour déménager, dit Laurette en ne s'adressant à personne en
particulier. Il mouille dehors.
     
    - Le monde a pas
le choix, m'man. C'est le 1er mai, fit Richard. Tremblay est passé tout à
l'heure pour le loyer, ajouta-t-il, hors de propos, en éteignant son mégot de
cigarette dans le cendrier posé sur le rebord de la fenêtre.
     
    Je lui ai donné son
argent.
     
    - Parfait,
approuva sa mère. On est au moins débarrassés de lui pour un mois.
     
    - Les Rocheleau,
en face, sont partis, intervint Jean-
    Louis, en
repliant La Presse qu'il était en train de lire.
     
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    - Bon débarras!
se contenta de dire sa mère en allumant une cigarette.
     
    Chacun des Morin
avait encore en mémoire la raclée que leur mère avait donnée à Marcel Rocheleau
quelques années auparavant alors qu'il s'acharnait à frapper sa femme devant
ses enfants, à la vue de plusieurs voisines.
     
    - Ils ont pas dû
déménager ben loin, fit remarquer Gilles. Le bonhomme est toujours vendeur chez
Living Room. J'ai pas entendu dire qu'il lâchait sa job. Je le vois au magasin
toutes les fins de semaine, mais il me parle jamais.
     
    - Ce serait pas
une grosse perte qu'il disparaisse, laissa tomber Laurette, rancunière.
     
    Elle se souvenait
encore qu'il l'avait appelée "la grosse" devant tout le monde qui
avait assisté à leur altercation.
     
    - Est-ce que
quelqu'un a vu partir les Gravel?
     
    demanda-t-elle à
ses enfants.
     
    - Moi, répondit
Gilles. J'ai été obligé de revenir à la maison à midi pour venir chercher mon
lunch que j'avais oublié. Ils s'en allaient quand je suis arrivé. J'ai eu juste
le temps de leur envoyer la main.
     
    - En tout cas, le
bonhomme qui s'en vient rester sur notre tête fera pas grand bruit quand il va
marcher, fit remarquer Richard, moqueur. Il est gros comme une allumette.
     
    - Est-ce qu'il y
a quelqu'un qui sait comment il s'appelle? demanda Carole.
     
    - Beaulieu,
répondit sa mère.
     
    - Moi, j'ai vu la
femme tout à l'heure, ajouta Denise.
     
    Elle est pas mal
plus grande et deux fois plus large que son mari. Elle s'appelle
"Rose".
     
    - Ayoye! Toute
une fleur! s'esclaffa Richard. Moi aussi, je l'ai vue. Elle, si elle tombe,
elle va faire un méchant trou dans le plancher. On va la voir arriver.
     
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    - Bon. Toi,
arrête tes niaiseries, le rabroua sa mère, toujours mal à l'aise quand on
parlait de surplus de poids en sa présence.
     
    Ce soir-là, les
Morin entendirent leurs nouveaux voisins aller et venir toute la soirée. Des
meubles étaient tirés et, parfois, des chocs sourds les faisaient sursauter en
ébranlant le plafond.
     
    - Bonyeu! Est-ce
qu'ils vont finir par aller se coucher?
     
    explosa