Le retour
ordonna-t-elle en ouvrant son sac à main. Laura Wilson a pas
l'habitude de faire travailler le monde pour rien.
- Non, merci,
madame, dit Gilles en se dirigeant déjà vers la porte. Ça m'a fait plaisir de
vous rendre service. Si jamais vous avez besoin d'aide, vous aurez juste à me
faire signe. Je reste juste en face de chez vous.
- T'es sûr que tu
veux pas vingt-cinq cennes? demanda la dame en lui tendant une pièce.
- Non, merci.
- En tout cas, tu
remercieras bien gros ta mère et tu la féliciteras d'avoir aussi bien élevé son
garçon.
Gilles revint
chez lui. Il s'arrêta un instant près de la chaise berçante de sa mère pour lui
communiquer le message de la vieille dame.
- Est-ce que
c'est elle qui reste dans l'ancien appartement des Rocheleau? demanda Laurette.
- Ça a tout
l'air. Elle a l'air de vivre là toute seule, à part ça, prit-il la peine de
préciser avant de retourner à ses travaux scolaires.
Laurette leva la
tête vers l'immeuble juste à temps pour apercevoir la nouvelle voisine la
saluer de la main, signe auquel elle répondit. Ce simple salut lui fit le plus
grand plaisir.
Pour sa part,
Richard s'était cantonné après le souper sur le balcon situé à l'arrière de
l'appartement familial.
Après avoir
déplacé la poubelle métallique malodorante près du hangar, il s'était installé
dans la vieille chaise berçante en bois favorite de son père pour y lire des
bandes dessinées. S'il n'avait pas eu une journée aussi éreintante
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chez Impérial
Tobacco, il serait probablement allé rejoindre ses copains Lambert, Henripin et
Jutras qui avaient l'habitude de se rassembler à la salle de billard de la rue
Sainte-
Catherine. Mais
la seule idée d'avoir à marcher jusque-là lui avait enlevé toute envie d'aller
jouer une partie de billard avec eux.
- Qu'est-ce que
tu fais? lui demanda Gilles en reprenant place à table devant son devoir de
mathématiques.
- Je finis mon
dernier comte, répondit Richard.
Au même moment,
il sursauta violemment en voyant passer devant lui une grosse boîte de carton
qui alla s'écraser dans la cour avec un bruit mat. L'adolescent se leva quand
deux autres boîtes vinrent rejoindre la première par le même chemin.
Richard descendit
précipitamment les trois marches qui conduisaient à la cour en terre battue et
il leva les yeux vers le balcon des Beaulieu juste à temps pour apercevoir le
grand adolescent efflanqué qu'il avait vu aider à l'emménagement des siens
quelques jours plus tôt.
- Aïe, toi!
l'apostropha-t-il, Pair mauvais. Essayes-tu de nous assommer avec tes boîtes?
- Elles sont
vides.
- Puis après!
Notre cour, c'est pas pour tes cochonneries.
Pourquoi tu les
garroches en bas?
- Énerve-toi pas,
Christ! s'emporta l'autre. Je vais descendre les défaire.
- Et tu penses
faire quoi avec ton carton? Nous le laisser dans les jambes, je suppose. J'ai
des nouvelles pour toi, moi. La cour est à nous autres. Tes poubelles, tu les
gardes chez vous.
Attiré par les
éclats de voix de son frère, Gilles sortit à l'extérieur et il allait
intervenir pour apaiser Richard quand il entendit une voix avinée crier:
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- Maudit
sans-dessein! Je t'ai dit de défaire les boîtes sur le balcon, pas de les
crisser en bas. Va me chercher ça!
Dépêche-toi!
- Chut! Pas si
fort, fit une voix féminine. Les voisins t'entendent.
- Toi, mêle-toi
de tes maudites affaires! hurla de plus belle la première voix.
L'adolescent descendit
précipitamment l'escalier et se retrouva devant les deux frères Morin, encore
surpris par les éclats de voix du père du garçon.
- Je voulais pas
que tu te fasses engueuler, lui dit Richard à mi-voix à titre d'excuses.
- C'est pas
grave, fit le jeune d'un air un peu gêné en s'emparant des boîtes vides qu'il
avait lancées quelques instants plus tôt.
Carole poussa la
porte-moustiquaire et apparut sur le balcon au moment où il posait le pied sur
la première marche de l'escalier. Le jeune voisin s'immobilisa un instant et
eut un sourire embarrassé.
- Je m'appelle
René, dit-il.
- Qu'est-ce que
tu niaises encore? fit la voix paternelle en provenance de l'appartement à
l'étage.
- Il faut que j'y
aille. Salut!
Les Morin se
regardèrent.
- Le bonhomme a
l'air d'être tout un numéro, fit remarquer Richard à voix basse à son frère qui
s'apprêtait à
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