Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le retour

Le retour

Titel: Le retour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
Vom Netzwerk:
retourner au devoir qu'il était en train de faire.
     
    - On dirait.
     
    Le soleil se
couchait lentement derrière la Dominion Oilcloth et l'ombre envahissait
progressivement la petite rue Emmett. Les Bélanger, les voisins de droite,
venaient de rentrer et Laurette songeait à les imiter quand elle vit Cécile
Paquin traverser la rue Archambault en diagonale et se diriger droit vers elle.
     
    187
    La mère de
famille eut le temps de détailler avec une pointe de jalousie la voisine qui
demeurait au rez-de-
    chaussée de la
première maison, au bout de la rue.
     
    La veuve Paquin
était une très jolie femme d'à peine quarante ans à l'allure pimpante. Svelte
et toujours coiffée et habillée avec soin, elle offrait l'image fort trompeuse
d'une femme jouissant d'une vie aisée. Pourtant, Laurette savait qu'il n'en
était rien. Elle lui avait elle-même révélé que son mari l'avait laissée sans
ressources à sa mort et qu'elle cousait pour un Juif de la rue Saint-Laurent
plus de douze heures par jour pour arriver à joindre les deux bouts.
     
    Les deux femmes
ne se voisinaient guère. Laurette était trop jalouse de la veuve. Elle avait
trop longtemps soupçonné son Gérard d'être sensible à son charme. Comme le
disait avec une certaine justesse Catherine Bélanger, sa voisine de droite un
peu méfiante envers cette femme, elle aussi, " il faut pas faire exprès de
faire entrer le loup dans la bergerie". Bref, même si Cécile Paquin était
demeurée reconnaissante à Gérard Morin d'avoir permis à son fils d'obtenir un
emploi à la Dominion Rubber, cela n'en faisait pas une amie de Laurette pour
autant. Chaque fois que cette dernière l'apercevait, elle avait un pincement de
jalousie.
     
    "Regarde-moi
la Paquin! se dit-elle en la voyant approcher d'un pas vif. Toute crêtée comme
si elle s'en allait aux noces! Dire, viarge! qu'elle a presque mon âge! "
- Bonsoir, madame Morin, la salua Cécile Paquin. Ça fait du bien de prendre un
peu l'air, non?
     
    - A qui le
dites-vous, répondit Laurette en s'efforçant de mettre une joyeuse animation
dans sa voix après s'être levée de sa chaise berçante.
     
    188
    - Tout le monde
va bien chez vous? Je pense que je vous ai pas vue depuis le commencement de
l'hiver passé, poursuivit la veuve avec un grand sourire.
     
    - On a été
chanceux, on n'a même pas eu la grippe de tout l'hiver.
     
    Laurette
reconnaissait tout de même la discrétion de sa voisine qui devait savoir depuis
longtemps que Gérard avait la tuberculose. Son Léo travaillait à la même
compagnie que son mari et, là-bas, on avait dû parler de sa maladie. Pourtant,
Cécile Paquin ne s'était jamais permis la moindre allusion au fait qu'on ne
voyait plus Gérard.
     
    - J'ai pas eu
votre chance, madame Morin. Je me suis traînée deux semaines avec une bonne
grippe dans le temps des fêtes et là, j'arrive de la pharmacie où je suis allée
chercher du sirop pour mon garçon. Il a mal à la gorge et il tousse comme un
déchaîné depuis trois jours.
     
    - Il a dû poigner
un microbe, dit Laurette. Je suis certaine que la chaleur va lui faire pas mal
de bien. Vous, madame Paquin, travaillez-vous toujours pour le même Juif?
     
    - J'ai pas le
choix, laissa tomber la veuve sans aucun enthousiasme.
     
    - Il y a des fois
où je vous envie de pouvoir travailler chez vous, reconnut Laurette.
     
    - C'est vrai,
pauvre vous. J'avais oublié que vous êtes obligée de prendre les p'tits chars
tous les jours pour aller travailler.
     
    - Quand on n'a
pas le choix, fit Laurette, fataliste.
     
    - Puis, comment
trouvez-vous vos nouveaux voisins?
     
    lui demanda
Cécile Paquin pour orienter la conversation dans une nouvelle direction.
     
    - Je les connais
pas, mais ils ont l'air pas pires, dit prudemment Laurette.
     
    189
     
    - Mon Léo connaît
bien leur René. C'est du bon monde. Ils restaient sur la rue Poupart, dit la
veuve en baissant la voix.
     
    - Oui, les Gravel
m'ont dit ça.
     
    - Le père
travaille à la Dominion Textile, sur Notre-
    Dame, et René lui
a dit qu'il l'a fait engager à la compagnie au commencement de l'hiver. Léo est
allé chez eux deux ou trois fois. D'après lui, c'est un bon petit gars. En
plus, il paraît que la mère est pas mal fine.
     
    - En tout cas,
avec deux salaires qui entrent, il me semble qu'ils auraient pu se payer un
plus beau logement, ne put s'empêcher de faire remarquer Laurette.
     
    - Ça se peut que
le père aime un peu trop la boisson,

Weitere Kostenlose Bücher